La malédiction des templiers
était-il le fils de Dieu, ou pas ?
Il s’interrompit et secoua la tête, furieux de ce qu’on lui avait rapporté – il ne les avait pas vues de ses propres yeux – de ces mosaïques ornant les églises ariennes, où Jésus était représenté comme un homme d’âge avancé, avec cheveux blancs et tout le reste y afférent.
— Sais-tu quel est le vrai problème ? C’est que ces hommes ont beaucoup trop de temps à consacrer à ce genre d’interrogations, poursuivit-il, les dents toujours serrées de colère. Ils ne se rendent pas compte que, outre qu’on ne peut y répondre, les questions qu’ils ne cessent de poser sont dangereuses. C’est pourquoi il fallait y mettre un terme avant qu’elles finissent par tout mettre à bas.
Constantin avait une excellence compréhension de ce qu’était le pouvoir.
Il avait déjà réalisé ce qu’aucun empereur avant lui n’avait réussi à accomplir : il avait unifié l’Empire. Avant son ascension, l’Empire romain était divisé en deux parties : l’empire d’Orient et l’empire d’Occident, chacun régi par son propre empereur. Les trahisons et les guerres pour le gain de territoires étaient incessantes. Constantin avait changé tout cela. Il avait pris le pouvoir grâce à sa ruse, à son sens peu commun des manœuvres politiques, et ce à l’issue d’une série de brillantes campagnes militaires : il avait défait les deux empereurs et s’était proclamé l’unique empereur d’Orient et d’Occident en l’an 324.
Mais son peuple demeurait divisé.
Outre les différences entre Orient et Occident, il avait à résoudre des conflits d’ordre religieux majeurs : païens contre chrétiens et, plus ennuyeux encore, chrétiens contre chrétiens. Car il existait des interprétations aussi nombreuses que diverses du legs du prêcheur qu’on appelait Jésus-Christ, et les disputes entre les différents groupes de convertis devenaient franchement violentes. On se renvoyait mutuellement au visage des accusations d’hérésie. Des incidents impliquant des actes de torture de plus en plus atroces se multipliaient. Thomas, évêque de Marash, avait offert un spectacle particulièrement épouvantable : on lui avait tranché le nez, les lèvres ainsi que les quatre membres ; quant à ses dents et ses yeux, ils avaient été arrachés. Ses tortionnaires, chrétiens, l’avaient retenu prisonnier en Arménie durant plus de vingt ans, une mutilation supplémentaire lui étant infligée à chaque anniversaire de sa captivité.
Il fallait que cela cesse.
C’est la raison pour laquelle Constantin avait convoqué à Nicée tous les évêques et hauts dignitaires de l’Eglise à travers les territoires constituant son empire, pour y participer au premier concile œcuménique. Plus de trois cents prélats, accompagnés d’un nombre plus important encore de prêtres, diacres et autres chanoines, avaient répondu à l’appel de ses épîtres comminatoires. Seul l’évêque de Rome, le pape Sylvestre I er , ne s’était pas déplacé, envoyant deux de ses légats les plus importants pour le représenter. Constantin ne se souciait guère de cette absence : il avait déjà beaucoup de choses à démêler, avec la présence des évêques d’Orient disposant de davantage d’autorité. Il s’était contenté de présider les séances, de manier son gros bâton pour les contraindre à s’asseoir tous ensemble, à débattre, à discuter sur la question de savoir qui était ou ce qu’était le Christ, ce qu’il avait accompli en réalité, à se houspiller sur la façon dont ils allaient bien pouvoir se partager les dépouilles de son très riche héritage et, au bout du compte, à tomber d’accord.
Sur tout.
Constantin était depuis longtemps conscient de l’irrésistible popularité de la foi chrétienne. Sa mère était une fervente croyante. Vingt ans plus tôt, il avait été témoin de la Grande Persécution décrétée par Dioclétien, quand l’empereur avait ordonné que toutes les églises de son empire fussent détruites, leurs trésors pillés, leurs saintes écritures brûlées. Tout cela avait été réalisé en suivant le conseil de l’oracle d’Apollon… et s’était soldé par un échec retentissant. Il avait vu l’impact considérable du message globalisant et plein d’espoir du Christ, et comment celui-ci s’était irrésistiblement répandu à travers l’Empire tout entier. Il savait que le fait de se présenter
Weitere Kostenlose Bücher