La malédiction des templiers

Templiers ?
    — Je n’en sais rien, avoua Tess, dont les pensées partaient dans plusieurs directions à la fois. Quoi qu’il en soit, les premiers Templiers qui se sont pointés au monastère, ceux que menait Everard…
    — … et que les moines ont empoisonnés… intervint Reilly.
    — Oui, ces premiers Templiers, donc, s’étaient débrouillés pour mettre la main dessus.
    Une lueur se fit dans son cerveau enfiévré.
    — Cela se passait en 1203. Avant le sac de Constantinople, dit-elle à Reilly, les yeux brillants d’excitation après qu’elle eut établi cette nouvelle connexion. Et si c’est là qu’elles avaient été conservées tout ce temps, à Constantinople ? Et si les personnes à qui Osius avait confié le soin de veiller sur elles avaient décidé de leur faire quitter la ville et de les transférer en lieu sûr avant que la ville ne soit livrée aux croisés ?
    — Les croisés, autrement dit l’armée du pape.
    Tess sentit ses poils se dresser sur ses bras.
    — L’armée du pape assiégeait la cité. Elle venait de piller Zara, une ville catholique. La population de Constantinople pouvait s’attendre à subir un sort pire encore, étant donné que leur ville était la capitale de la chrétienté orthodoxe. Depuis deux siècles, ses patriarches et les papes échangeaient des insultes et passaient leur temps à s’excommunier mutuellement. Nul besoin d’être devin pour savoir le sort que leur réserveraient les croisés une fois que ceux-ci auraient franchi les remparts de la ville. Que le pape sache ou ignore que les documents y étaient cachés, ceux-ci risquaient fort d’être découverts.
    — On aurait donc demandé aux Templiers de les mettre en lieu sûr. Mais pourquoi eux ?
    Tess passa rapidement dans sa tête la chronologie des événements. Une nouvelle idée brillante, irrésistible, la traversa.
    — Et si les Templiers avaient été dans le coup depuis le début ?
    — Que veux-tu dire par là ?
    — Il y a trois ans, quand De Angelis t’a emmené au Vatican, le cardinal Brugnone t’a révélé que les Templiers avaient découvert le journal de Jésus à Jérusalem. Il t’a confirmé ce que Vance soupçonnait, à savoir qu’ils s’en étaient servis pour faire chanter le pape, et que c’est ainsi qu’ils étaient devenus si rapidement riches et puissants. A ton avis, d’où provenait réellement ce journal ?
    — Il était enfoui quelque part dans les ruines de l’ancien Temple de Salomon à Jérusalem, non ? D’après ce que j’ai cru comprendre, ils ont passé leurs premières années là-bas à fouiller un peu partout ; lorsqu’ils ont trouvé ce fameux journal, ils l’ont utilisé pour faire pression sur le Vatican et obliger le pape à leur apporter son soutien. C’est à partir de ce moment que les dons en argent et en biens immeubles ont commencé à affluer.
    — C’est ce qu’on a toujours pensé. Mais si on s’était trompé ?
    Elle repensa à l’histoire des Templiers la plus couramment répandue : neuf chevaliers originaires de divers coins d’Europe arrivant sans crier gare à Jérusalem un beau jour de 1118, comme surgis de nulle part, et expliquant au roi qu’ils souhaitaient assurer la protection des pèlerins qui débarquaient en nombre pour visiter la Ville sainte nouvellement conquise. Le souverain leur avait alors attribué d’immenses locaux pour leur servir de base, en l’occurrence l’ancien temple de Salomon – d’où leur nom de Chevaliers du Temple, ou Templiers. Apparemment, ils n’avaient pas quitté les lieux pendant neuf ans, neuf années durant lesquelles ils avaient effectué des fouilles à la recherche de quelque chose qui, une fois mis au jour, leur avait apporté fortune et puissance. Une chose que Reilly et elle-même pensaient avoir découverte trois ans auparavant.
    — Les premiers Templiers l’ont-ils réellement trouvé après avoir passé des années à fouiller ces ruines ? s’interrogea-t-elle tout haut. Ou ne s’agissait-il là que d’une couverture ? Et si ce journal n’avait été depuis le début qu’une partie du trésor de Nicée ?
    — Ils auraient donc menti au pape pour lui dorer la pilule ? Pour rendre leur histoire plus mystérieuse, plus fabuleuse ?
    — En partie, conjectura Tess. Cela leur permettait de conserver le reste du trésor en lieu sûr. Ils n’avaient aucune raison d’alarmer le pape et ses sbires en les informant que celui-ci comportait