La malédiction des templiers
de répondre à bon nombre de questions chez les gens capables de supporter la vérité, mais aussi de déclencher une sacrée crise chez ceux, largement majoritaires, qui ne le sont pas. Il y a quelques années, un verset, un seul petit verset tiré d’un fragment d’une version prétendument primitive de l’évangile de Marc, a suffi à déclencher une tempête de controverses. Et cela, uniquement parce qu’il insinuait que Jésus avait passé une nuit entière à enseigner « les secrets de son royaume » à un homme qui ne portait qu’un « vêtement de lin », avec toutes les connotations que cela implique. Imagine les conséquences que pourrait avoir la découverte d’un wagon entier d’évangiles alternatifs !
Durant cette tirade passionnée, Reilly n’avait jamais détourné le regard, et avant même qu’elle en termine, il avait compris qu’il n’était pas question de rentrer aux Etats-Unis. En tout cas pas avant d’avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour retrouver ces coffres. Dans de mauvaises mains, les textes qu’ils contenaient risquaient fort de devenir une arme, une arme de désespoir massif compte tenu du fait qu’un tiers de la planète était chrétien et considérait chaque mot de la Bible comme sacré et intangible. Le problème étant qu’il n’était pas question pour lui d’impliquer le Bureau ni, par association, le Vatican. Et il ne voulait surtout pas que les Turcs s’en mêlent non plus. Les objets considérés comme des antiquités, surtout s’ils avaient un rapport avec la religion, seraient confisqués avant même que Tess et lui aient une chance de les étudier.
Non, s’ils devaient tous les deux poursuivre leurs recherches, ils devraient opérer seuls, à leurs risques et périls. Sans se faire repérer.
— Je suis avec toi, dit-il finalement. Mais comment vois-tu les choses ? Que peut-on faire de plus ? Tu te retrouves dans une impasse, non ? Tu as dit toi-même que la piste s’arrêtait net.
Tess s’était levée et déambulait nerveusement dans la chambre.
— C’est vrai, mais… on est certainement passés à côté de quelque chose. Conrad a sûrement laissé un indice derrière lui, même dans la mort. J’en suis persuadée. Il y a forcément un truc dans cette église, là où il a été enterré…
— Mais tu en reviens ! Tu as dit toi-même que la tombe ne contenait rien d’autre que ses ossements.
— Il y a autre chose, insista-t-elle. Quelque chose à côté de quoi nous sommes passés. Nous devons absolument y retourner.
52
Tess essayait de cacher sa gêne tandis que Reilly débitait de grossiers bobards destinés à convaincre les deux hommes de la Jandarma postés devant l’hôtel de les laisser passer.
Il leur expliqua qu’il avait perdu son BlackBerry quelque part dans le canyon durant la fusillade, et leur fit comprendre avec force qu’il devait absolument y retourner pour essayer de le récupérer car il contenait des informations confidentielles émanant du FBI. Les policiers se montrant des plus réticents, il éleva le ton d’un cran, laissa entendre qu’un incident diplomatique majeur risquait de se produire s’il était incapable de régler rapidement ce problème délicat à cause d’un retard qui ne serait pas de son fait.
Son baratin se révéla efficace : vingt minutes plus tard, le minibus de l’hôtel les déposait dans la clairière à l’entrée de la gorge. Un Humvee de la Jandarma y était garé, le seul autre véhicule étant la Cherokee poussiéreuse du défunt spécialiste de Byzance.
Ils arrivèrent très vite devant la maison troglodyte où l’homme avait été tué. Pas trace de policiers empêchant d’accéder au site, pas de ruban jaune délimitant la scène de crime, nul expert scientifique étudiant avec soin chaque bosselure dans la roche. C’eût été d’ailleurs parfaitement inutile : tout était d’ores et déjà réglé, car si l’Iranien venait à être pris, il ne serait sûrement pas jugé dans les formes.
En passant devant l’endroit où Abdülkerim avait trouvé la mort, Tess ne put s’empêcher de revoir avec un frisson le visage du Turc se glacer d’effroi au moment d’être abattu. Quelques heures seulement après qu’elle l’eut rencontré pour la première fois.
Ils gravirent l’escalier taillé dans la falaise pour accéder à l’église. A l’aide d’une lampe torche empruntée à l’hôtel, Tess montra à Reilly la fresque qui
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