La malédiction des templiers
ornait la coupole de l’abside avant de descendre avec lui dans la crypte. Elle frissonnait toujours lorsqu’ils pénétrèrent dans le caveau, où rien n’avait bougé depuis qu’elle l’avait quitté avec Abdülkerim et son ravisseur. Là encore, elle revivait la scène, avec l’impression de se voir dans un diorama en 3D, le visage inquiet du Turc occupant le centre de l’hologramme.
Reilly dut sentir son trouble.
— Ça va ? demanda-t-il.
Chassant les images perturbantes de son esprit, la jeune femme fit oui de la tête puis lui désigna la tombe de Conrad, restée ouverte. Les morceaux du pot en terre cuite se trouvaient toujours sur le côté. Rien n’avait été déplacé.
Reilly fit des yeux le tour de la salle.
— Et que contiennent les autres tombes ? demanda-t-il.
Elle pointa le faisceau de la lampe torche sur les inscriptions ornant la paroi.
— Les dépouilles de bienfaiteurs et de dignitaires de l’Eglise.
— Elles pourraient dissimuler autre chose ?
— Peut-être, fit Tess, sceptique. Impossible à dire, à moins de toutes les fouiller. Mais si c’était là que le trésor d’Osius avait été enterré, je pense qu’ils auraient laissé quelque chose, un indice pour permettre de le retrouver, sous peine de le perdre à jamais. Mais il s’agit juste de noms, et aucun d’eux ne semble pas ne pas être à sa place.
— D’accord. Il y a donc la fresque, et cette crypte. Autre chose ?
Tess fit non de la tête.
— On a exploré le reste de l’église avant de partir. C’est tout.
Ces mots venaient tout juste de sortir de sa bouche qu’elle se rappela quelque chose. Quelque chose qui lui était venu à l’esprit devant l’ordinateur de l’hôtel, lorsqu’elle s’était occupée de faire traduire la lettre d’Osius.
— La fresque.
Comme en transe, elle précéda Reilly jusqu’à l’abside qu’ils venaient de quitter. Là, elle examina la fresque une fois encore, éclairant de sa lampe torche l’inscription en grec au-dessus.
— C’est quand même bizarre, souffla-t-elle, ces vers d’un poème soufi, là, dans une église.
— Soufi… ?
— Une forme mystique de l’islam. Très populaire en Turquie. En tout cas avant qu’elle soit interdite, dans les années 1920.
— Attends… Un poème musulman dans une église ?
— Pas exactement musulman. Le soufisme est très différent. Si différent que les musulmans purs et durs comme nos amis saoudiens et les talibans considèrent ses adeptes comme de dangereux hérétiques et les ont totalement proscrits. Ils en ont une peur bleue car le soufisme est une doctrine pacifiste, tolérante et libérale. Et ça n’a rien à voir avec le culte. Il s’agit d’une expérience personnelle, qui consiste à chercher sa propre voie menant à Dieu et à essayer d’atteindre l’extase spirituelle. Rumi, l’auteur de ce poème, était l’un des pères fondateurs du soufisme. Il a prêché que cette doctrine était ouverte aux fidèles de toutes les religions et que la musique, la poésie et la danse étaient les meilleurs moyens d’ouvrir les portes du paradis et de rejoindre Dieu – un dieu qui n’était ni le dieu du châtiment ni le dieu de la vengeance, mais celui de l’amour.
— Vachement sympa, commenta Reilly avec un sourire ironique.
— Ça l’est. C’est la raison pour laquelle Rumi est resté populaire dans son pays. Extrêmement populaire. En Occident, on l’a transformé en une espèce de gourou New Age, ce qui ne rend pas justice à l’intensité et à la profondeur de ses œuvres, mais ce qui peut se comprendre étant donné qu’il a écrit des choses comme « Ma religion consiste à vivre par l’amour », ce qui, il faut bien l’admettre, est un peu raide pour un prêcheur musulman du XIII e siècle.
— Je comprends pourquoi les Saoudiens ne tiennent pas plus que ça à voir son message se répandre.
— C’est triste. Tragique, même. Car il pourrait faire beaucoup de bien dans la région.
Reilly se concentra de nouveau sur la fresque.
— OK. En tout cas, hérétique ou pas, on a bel et bien quelques vers d’un poème musulman version light sur le mur d’une église vieille d’un millénaire. Ce qui, comme tu l’as dit, est plutôt bizarre. Qu’est-ce que ça raconte, à propos ?
— Abdülkerim nous les a lus et traduits.
Elle éclaira les lignes écrites en grec au-dessous de la fresque et les traduisit à haute voix, essayant de se
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