La mariage du Viking

simplement retourner me coucher.
    Sans l’écouter, Einar lui passa la cape autour des épaules. Celle-ci avait une odeur d’ale, de vieux cuir et d’eau salée, mais elle lui parut délicieusement chaude.
    — Si cela doit être source de querelles, autant que je sois prévenu.
    — Quelles querelles ? demanda Meradyce, étonnée.
    — Des rivalités entre mes guerriers.
    — Et, en tant que mon protecteur, cela vous tourmente.
    Einar ne répondit pas.
    — Il ne faut pas vous inquiéter pour moi. Je n’ai aucun désir de me marier, aussi cela ne créera-t-il aucune rivalité entre vos hommes.
    — Dans ce cas, ils penseront que je veux vous garder pour moi seul.
    Un instant, Meradyce s’imagina courtisée par le Viking. Mais elle repoussa aussitôt cette idée absurde.
    — Je ne me marierai point.
    Einar décela dans la voix une ferme détermination.
    — Et pourquoi donc ? insista-t-il en songeant que cela devrait lui être parfaitement égal. Pourquoi, Meradyce ? répéta-t-il en s’approchant encore.
    La jeune femme leva vers lui un regard assuré.
    — Parce que c’est ainsi. Je ne puis donner mon cœur à aucun homme.
    — Qui vous dit que c’est votre cœur que recherchent les hommes ?
    Meradyce préféra ne pas répondre et se détourna.
    — Vous pourriez avoir tous les hommes que vous désirez, et beaucoup de richesse, insista-t-il. N’est-ce pas suffisant ?
    — Peut-être vous contentez-vous de posséder un corps sur un lit. Pas moi. Ce n’est pas ce que j’attendrais d’un époux. Mais il serait injuste d’exiger ce que je ne suis plus en état de donner.
    — Que dites-vous, Meradyce ? s’inquiéta soudain Einar. N’êtes-vous plus vierge ?
    La Saxonne ne sourcilla pas, ne chercha nullement à éviter le regard scandalisé d’Einar. Ses yeux couleur marine brillaient au contraire de fierté.
    — Voilà donc tout ce que vous savez considérer, reprit-elle avec hauteur. Sachez que j’ai aimé, et que j’ai été aimée, de la plus belle et la plus pure manière.
    Consterné par cette nouvelle, dévoré d’une jalousie soudaine, Einar laissa la rage s’emparer de lui. Il étreignit passionnément Meradyce et l’embrassa avec une ardeur empreinte d’une sourde violence. Par Thor, il allait lui faire oublier les hommes qu’elle avait connus !
    Un instant, il crut qu’elle allait répondre à la fougue de son étreinte, mais la Saxonne demeura immobile, imperturbable, indifférente. Dans un juron de déception, Einar la lâcha puis leva une main.
    — Allez-vous me frapper, maintenant ? demanda-t-elle d’une voix glaciale. Est-ce ainsi que vous entendez me forcer à vous aimer ?
    Dans un effort surhumain, Einar rabaissa le bras.
    — Je ne veux pas de vous, murmura-t-il. J’ai toutes les femmes que je puis désirer. D’autre part, je ne pense pas que vous valiez la peine que je tente de vous séduire.
    Sur ces paroles amères, le Viking tourna les talons et disparut dans la nuit glacée.

Chapitre 8
    Dans la maison des bains, Einar poussa un profond soupir, ferma les yeux et s’adossa au mur ruisselant d’humidité. Puis, il jeta sur les pierres brûlantes du foyer un nouveau seau d’eau qui s’évapora instantanément.
    — La vie n’est-elle pas magnifique, Einar ? soupira à son tour Hamar. J’ai une femme désirable, un fils en pleine santé. Que demander de plus, dis-moi ?
    — Un cheval véloce, un drakkar plus rapide, des montagnes de pièces d’argent, deux femmes dans ton lit, qui chercheraient sans cesse à satisfaire ton plaisir…
    Hamar considéra son frère d’un air surpris : parlait-il sérieusement ? Non, à en croire le sourire ironique qui lui étirait les lèvres.
    — Un bateau rapide…, répéta-t-il, songeur. C’est vrai, je n’y pensais pas.
    — Et les femmes, Hamar. N’oublie pas les femmes.
    — Oui, les femmes… Tu as toutes celles que tu veux, Einar. Pourquoi, alors, te disputer avec Ull au sujet de cette Saxonne ?
    — J’aime argumenter avec Ull. Cela le remet à sa place.
    — Vraiment ? lâcha Hamar, dubitatif.
    — Tu penses donc que cette femme vaut la peine que l’on se querelle pour elle ?
    — Peut-être… si je n’étais pas déjà marié. Mais rassure-toi, je ne te la disputerai pas…
    — Comment va ton fils ? interrogea Einar à brûle-pourpoint.
    — Il est en pleine forme. Tu n’imagines pas quelle force il a déjà !
    Hamar considéra gravement son frère avant