La Marque du Temple
rengainant mes outils dans leur fourreau.
Il en fit de même ; la lame émit une nouvelle plainte à en faire grincer les dents, ce qui ne manqua pas de provoquer l’hilarité.
« Et veillez à mieux graisser vos armes. Votre épée coulisse bien mal dans son fourreau. Quand vous desforez ou rengainez, elle fait autant de bruit que les roues d’un charroi lourdement chargé par temps de pluie !
« Vous ne devez pas avoir souventes fois l’occasion d’en faire usage. Face à l’ennemi, tantôt vous le mettez en alerte et pourriez bien le bailler de votre vie tout à trac, tantôt vous vous laites bien ouïr et comprendre que vous souhaitez rompre le combat avant que d’être saigné ! »
J’avais rabattu le caquet de l’arrogant chevalier Mirepoix de la Tour. Mais, ce faisant, je venais de l’humilier devant ses pairs. Pire encore, devant de simples sergents ou valets d’armes. Et devant de simples serviteurs et servantes. Je devrais m’en méfier et le serrer de très près. Car je ne m’en étais assurément pas fait un ami.
« D’aucuns parmi vous souhaiteraient-ils livrer une autre passe d’armes ? » demandai-je d’une voix assurée en les morguant de haut. Tous s’accoisèrent. Sauf un. Le chevalier à l’embonpoint prononcé lança un tonitruant :
« C’était sacrément chié chanté ! Belle leçon d’escremir, messire Brachet de Born ! » Il applaudit à tout rompre, à la consternation du chevalier Mirepoix de la Tour.
Son geste n’eut d’abord aucun écho. Puis il se propagea dans l’assemblée comme un feu de fenaison par vent tournant.
Je sus alors que j’avais gagné leur estime. Je leur fis part de mon intention de prendre leur conseil le lendemain à tierce, dans la grand’salle qui jouxtait le donjon, après que j’eus examiné le système de défense de la place et envisagé de prendre un certain nombre de mesures pour mieux remparer les murailles.
Je les saluai et me retirai, le surcot et la chainse maculés de sang, non sans leur avoir présenté René le Passeur, sergent monté. Bien qu’il fut démonté ce jour.
Alors que je me dirigeai vers ce que je croyais être l’enfermerie du château, Marguerite me héla, me conduisit en la lingerie et me pria de m’étendre sur la table utilisée pour coudre et fouler draps et chemises. “Je prendrai grand plaisir à vous remettre en état… messire Bertrand ”, surenchérit-elle.
Ma blessure ne saignait plus, mais le sang séché collait la chainse à ma peau. Elle avait apprêté des linges qu’elle sortit d’un chaudron bouillant à l’aide d’un crochet à viande, les fit égoutter, refroidir, puis les appliqua sur la plaie. Je serrai les dents pour ne pas crier, mais ne pus retenir un juron.
Elle parvint à décoller les tissus, nettoya la navrure avec une infinie douceur, l’essuya à l’aide de linges secs et appliqua un mélange savamment dosé de poudres de séné et d’écrevisse. Le même traitement qu’elle avait infligé à cet arbalétrier maladroit, me dit-elle, après avoir ébarbé, à l’aide de son cotel, les plumes de l’empennage du carreau qui le clouait au sol.
Je lui demandai si l’homme d’armes avait beuglé. Elle m’assura qu’il ne pouvait apparemment crier et lorgner à la fois.
Il était resté coi, les yeux louchant sur la naissance de ses mamelles lorsqu’elle s’était penchée sur lui, me répondit-elle malicieusement après avoir relâché sous mon nez les cordons d’un corsage qui me laissait bellement entrevoir les ravissements d’une gorge délicieusement profonde. Et me convaincre, s’il en était besoin, de l’effet que ses charmes pouvaient avoir sur d’aucuns.
Elle déchira plusieurs larges bandes d’un linge dont elle enveloppa mon torse en me faisant promettre de la laisser renouveler le pansement dès le lendemain et ce, jusqu’à guérison complète.
« Ne retarde pas la guérison pour autant, Marguerite… » la suppliai-je sans quitter des yeux le déplacement terriblement excitant des mamelles sous la robe.
Loin de renouer les lacets de son corsage, elle se pencha sur moi, laissant sournoisement sa peau parfumée à l’eau de rose effleurer mes lèvres goulues, et elle me chuchota à l’oreille :
« Je regrette, messire, mais vous ne pourrez me presser sur votre cœur avant plusieurs jours ; le temps que votre blessure ne soit parfaitement cicatrisée. »
« J’ai eu grand’peur pour vous,
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