La Marque du Temple
en enfer pendant l’éternité.
« Le même sort sera réservé à ce nouveau capitaine de céans, cet écuyer arrogant qui se prend pour un référant de tranquillité, alors qu’il n’est que sot et infatué ! Le même sort sera réservé à tous ceux qui tenteront de porter la main sur moi ! » menaça-t-elle en brandissant le gigantesque codex à la croix d’or cléchée, vuidée de gueules et cerclée de sable .
Dame Éléonore de Guirande cracha par terre, évita la flaque de sang gluant et brunâtre qui se répandait sur le sol et s’esbigna dans la nuit. Sans déplacer cette fois la moindre ombre au clair de lune. La chouate roula des yeux ronds et cerclés.
Elle disparut, comme elle était arrivée , aussi nue qu’une sirène . Mais son chef était curieusement coiffé à présent d’une mitre renversée.
La mitre des hérétiques .
DEUXIÈME PARTIE Le pacte du Diable
Périgord automne – hiver 1348
Le taureau de Crète, ou le signe du Taureau dans la constellation du zodiaque.
Le septième des douze travaux d’Héraclès
Chapitre 7
À Commarque, en août de l’an de grâce MCCCXLVIII, entre le jour de de la Sainte Marie-Madeleine et le jour de la Nativité de Notre-Dame {xxiv} .
Le corps couvert de sueurs froides, bien que reposant sur les dalles tapissées de feuilles de fougère, je sortis de ce cauchemar en me réveillant en sursaut.
Ne pouvant retrouver le sommeil, j’enfilai mes chausses et quittai la pièce que le chevalier Guillaume de Lebestourac avait mise à ma disposition. J’en profitai pour vérifier que les gardes ne somnolaient pas et que mes dogues n’avaient pas quitté leur apostage devant la porte de la châtelaine. La nuit était calme et la lune, ronde. Le marteau de la cloche de la chapelle Saint-Jean sonna matines. Les soldats de garde se hélèrent aussitôt les uns les autres :
« Holà, du guet ? lança René le Passeur qui faisait office de chef du guet à ce moment-là.
— Marc, à poste. Tout est calme !
— Mathieu, à poste. Tout est calme !… » répondirent les quatre guetteurs à tour de rôle, en respectant mes consignes. Suivirent quelques plaisanteries d’un goût douteux.
L’entraînement de tous se déroulait pendant la journée, régulier et monotone. La construction du couillard s’achevait avec un peu de retard. Parfaitement rétabli de mes navrures par la grâce de la pimprenelle et de l’angélique dont ma gente Marguerite m’avait enduit telle une momie, je m’assurai de la dextérité des chevaliers et des sergents en me livrant régulièrement à quelques passes d’armes avec eux.
Nous escrimions à épée rabattue et épointée. J’avais eu l’heur de gagner tous les duels, sauf un. Guillaume de Lebestourac était doué d’une agilité étonnante pour un homme de sa corpulence et il en avait dérouté plus d’un.
Un beau jour, après avoir trébuché sur ce terrain accidenté, je m’étais retrouvé adossé à un mur, l’épée tourbillonnante. Elle se bloqua dans une anfractuosité du rocher, dans mon dos.
Comme celle de Roland le Preux, qui l’aurait lancée après la bataille de Roncevaux, par-delà les monts Pyrénées : “Là où elle tombera, Roc-Amadour sera ”, aurait dit Roland avant de rendre son âme à Dieu. Durandal reste, selon la légende, fichée dans le rocher qui surplombe la chapelle de la Vierge à Roc-Amadour. Là où elle arriva par les airs après un envol de plusieurs centaines de lieues.
Le chevalier avait bien exploité sa connaissance du terrain pour m’acculer avant de pointer son épée sur mon ventre. Cette fois, j’avais dû bailler quelques pintes de vin à tous ceux qui avaient assisté à ma défaite. J’avais délié ma bourse de bon cœur et nous avions porté des santés au roi de France, au baron de Beynac, au seigneur de Commarque, en chantant à tue-tête ce refrain :
Buvons un coup, buvons-en deux, un, deux, trois,
A la santé de la France et de son roi !
Si Dieu le veut, nous déboterons les Godons
Pour fotre leurs compagnes comme des Gascons.
Nous bouterons hors le duché d’Aquitaine,
Roi d’Angleterre et Gascons de Guyenne !
Le pays alentour ne montrait aucun signe de vie. Nous redoutions que l’epydemie de Mal noir ne fût plus terrible encore que nous l’avions craint. À l’intérieur de notre village, à part quelques inévitables coliques et autres maux de ventre ou d’estomac, aucun sinthome
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