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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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maître cruel et redouté.
    Pinard, sans prononcer un mot, leva le bras, et désigna du doigt les bouteilles vides qui encombraient la table ; tirant ensuite de la poche de côté de sa carmagnole une clef d’une dimension peu commune, il la tendit à la jeune fille, en fixant sur elle son œil fauve d’où se dégageait une sorte de fluide magnétique pareil à celui du serpent fascinateur. La pauvre enfant fit encore un pas en avant, et, toujours craintive et frémissante, elle prit la clef qui lui était offerte.
    Diégo, stupéfait, regardait sans comprendre la scène muette qui se passait sous ses yeux, cherchant en vain à en deviner le sens, lorsque, sur un geste de son compagnon, plus impérieux encore que le premier, la malheureuse insensée tourna sur elle-même par un mouvement raide et machinal, et s’éloigna vivement, traversant la pièce dans toute sa largeur.
    – Que diable signifie cette comédie ? demanda Diégo en se retournant vers l’âme damnée du proconsul.
    – Tu vas voir, attends un peu, répondit Pinard avec un sourire triomphant.
    En effet, cinq minutes ne s’étaient pas écoulées que le pas de la jeune fille retentit légèrement au dehors, et qu’elle apparut sur le seuil de la chambre portant de l’une de ses mains mignonnes deux bouteilles pleines et de l’autre deux verres vides. Elle s’approcha doucement, déposa le tout avec précaution sur la table, et se retira ensuite dans l’angle de la pièce le plus éloigné des buveurs.
    – Eh bien ! dit Pinard en attirant à lui l’une des bouteilles qu’il déboucha, et dont il versa le contenu dans les deux verres ; eh bien ! comment la trouves-tu dressée ? Lui ai-je appris à faire convenablement le service et à se rendre utile en société !
    – Elle n’est donc plus folle ? demanda Diégo en baissant la voix.
    – Folle ! elle l’est plus que jamais, au contraire !
    – Mais si elle était privée de raison, elle ne te comprendrait pas.
    – Bah ! je lui ai parlé un langage que la brute elle-même entend parfaitement, dit Pinard en désignant de la main une grosse corde pendue à la muraille.
    – Tu la bats ?
    – Tiens ! il faut bien lui faire son éducation. D’ailleurs, elle ne comprend que cela ! Parle-lui, tu vas voir.
    Diégo se leva et se dirigea vers la jeune fille. Lui prenant les mains, il l’attira vers lui :
    – Yvonne ! lui dit-il avec une sorte de précaution tendre.
    La jeune fille tourna la tête de son côté, et fixa sur l’Italien ses grands yeux ouverts dont les regards vagues semblaient avoir perdu le don de la vue.
    – Yvonne ! répéta Diégo, veux-tu me répondre ?
    La Bretonne ne parut pas avoir entendu. Toute son attention était captivée par un énorme paquet de breloques qui, suivant la mode du temps, pendait au bout de la chaîne de montre de l’ami de Pinard.
    – Quand je te dis qu’elle ne comprend que cela ! dit le sans-culotte en désignant toujours la corde et en haussant les épaules avec mépris.
    – Voyons ! continua Diégo, écoute-moi, petite ; je ne te ferai pas de mal, je ne veux pas te battre, moi !
    – Bien vrai ? fit Yvonne en relevant la tête.
    – Non, je veux avoir soin de toi, au contraire.
    Cette fois encore, Yvonne ne parut pas comprendre et ses yeux se reportèrent sur les breloques qui semblaient uniquement occuper sa pensée. Elle les toucha d’abord du doigt, timidement, craintivement ; puis s’enhardissant peu à peu, elle les prit dans sa main, et se baissa pour les contempler de plus près, les examinant attentivement une à une. Diégo sourit, et pour satisfaire le caprice de la pauvre folle, il tira sa montre de son gousset, et la donna à la jeune fille. Celle-ci poussa alors une exclamation joyeuse.
    – Tu vas la gâter ! s’écria Pinard avec emportement. Il faudra que je recommence à la battre pour la ramener dans la bonne voie.
    Au son rauque de cette voix brutale, qui vint subitement interrompre son plaisir enfantin, Yvonne tressaillit. Ses traits se contractèrent, son visage changea d’expression, et sa main tremblante laissa échapper la montre, qui tomba et se brisa sur le plancher.
    – Imbécile ! tu lui as fait peur, et tu as fait casser ma montre ! s’écria Diégo en s’adressant à son ami.
    Puis il revint vers Yvonne pour essayer de la calmer ; mais la pauvre enfant, en proie à une terreur folle, se recula vivement, les dents serrées et les mains frémissantes.
    Tout à

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