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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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trouva attirée par ce double fait, se mirent à courir du côté des cavaliers d’abord. Le bruit du canon les charmait moins sans doute que la vue des chevaux et des voyageurs.
    Trois hommes, en effet, débouchaient dans le faubourg se dirigeant vers la ville. Ces trois hommes portaient le costume complet des patriotes de l’époque : carmagnole bleue de tyran , pantalons courts, ceinture rouge, sabots garnis de paille, bonnet de la liberté enfoncé sur la tête et descendant jusqu’aux yeux. Ils marchaient au pas de leurs chevaux côtoyant les rives de l’Erdre.
    Boishardy, Marcof et Keinec, semblaient méconnaissables sous ces habits nouveaux. Les deux premiers surtout affectaient les allures des sans-culottes avec une perfection d’imitation peu commune. Keinec seul ne se donnait pas la peine de changer de manières. En entendant le bruit de la canonnade et de la mousqueterie, les cavaliers se regardèrent étonnés et inquiets.
    – Qu’est-ce que cela ? s’écria Boishardy.
    – Se battrait-on à Nantes ? murmura Marcof.
    – Pas possible !
    – Cependant c’est bien le bruit du canon.
    – Sans doute.
    – Avançons toujours !
    – Pardieu ! voilà des gamins qui vont peut-être nous renseigner.
    Et Boishardy, se levant sur ses étriers, appela à haute voix les enfants. Pichet accourut le premier.
    – Dis donc, mon gars, demanda le gentilhomme, sais-tu pourquoi on tire le canon ?
    – Oui, que je le sais, répondit l’enfant.
    – Pourquoi alors ?
    – C’est pour les aristocrates, les chouans, les brigands !
    – On se bat donc !
    – Eh non ! c’est la prière du soir, comme dit le citoyen Carrier.
    Marcof et Boishardy se regardèrent.
    – Quelque nouvelle infamie ! murmura le marin.
    Boishardy lui fit un signe pour lui recommander la prudence, et se retournant vers Pichet, qui était planté droit devant lui, jouant avec la crinière de son cheval :
    – Qu’est-ce que c’est donc que la prière du soir du citoyen Carrier ? demanda-t-il avec aisance.
    – Tiens ! répondit l’enfant, vous n’êtes donc pas venu à Nantes depuis deux jours ?
    – Non, mes camarades et moi nous arrivons de Saint-Nazaire.
    – Oh bien ! alors, vous ne savez pas.
    – Qu’est-ce que nous ne savons pas ?
    – La nouvelle invention du citoyen, donc.
    – Et tu la connais, toi ?
    – Je crois bien ! papa m’y a mené hier.
    – Où cela ?
    – À la place du Département donc !
    – Qu’est-ce qu’on y fait à la place du Département ?
    – Tiens ! on y tue les brigands !
    – On a donc transporté la guillotine ? interrompit Marcof avec impatience.
    – Eh non ! répondit Pichet en faisant un pas vers son nouvel interlocuteur.
    On entendait toujours gronder le canon. Boishardy, craignant l’emportement du marin, reprit aussitôt la parole :
    – Si tu sais quelque chose, explique-toi !
    – Voilà, citoyen ! d’abord, faut que vous sachiez qu’on ne juge plus les aristocrates…
    – On ne juge plus ?
    – Eh non ! c’était trop long.
    – Après ?
    – La guillotine ne va plus assez vite…
    – Alors ?
    – Alors on a conduit hier soir trois cents brigands qu’on a pris à l’entrepôt sur la place du Département, et là les bons patriotes leur ont tiré dessus avec des fusils et des canons.
    – Tu es sûr de ce que tu dis ?
    – Tiens ! je crois bien ! papa y était et moi aussi. Ah ! c’était drôlement joli, citoyen !
    – Et on recommence ce soir !
    – Oui ; ça sera comme ça tous les jours.
    Marcof poussa un soupir qui ressemblait à un rugissement. Boishardy comprit que cette puissante nature allait éclater. Aussi, craignant encore une imprudence qui aurait pu compromettre leur sûreté à tous trois, il remercia brusquement l’enfant, et, saisissant la bride du cheval de son compagnon, il partit au galop. Keinec les suivit silencieusement. En ce moment la fusillade cessa.
    – C’est fini ! s’écria Marcof.
    – Êtes-vous fou ? répondit le chef royaliste. Vous avez failli nous perdre ! Songez que ces enfants sont plus dangereux encore que les hommes par le temps qui court. On arrête vite, et une dénonciation est bientôt faite.
    – Vous avez agi sagement, Boishardy, car en entendant les atroces paroles de ce petit drôle, le sang me montait à la gorge, et j’allais faire passer mon cheval sur ce fils de bourreau, apprenti bourreau lui-même.
    – Mettons nos chevaux au pas et

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