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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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Après la fin du rasoir, ces brigands de déportés vont passer sur la place ; nous les suivrons et nous verrons le coup d’œil.
    Et Brutus entonna à tue-tête le lugubre «  Ça ira ! » tandis que Boishardy saisissait la main de Marcof, et la lui serrait silencieusement.
    – Ah ! s’écria le sans-culotte, voilà les charrettes ! Tout à l’heure on va commencer.
    En effet, l’ondulation que nous avons mentionnée et qui agitait les flots de la populace se fit sentir plus vive encore. On vit déboucher par une des rues adjacentes les funèbres voitures escortées de sans-culottes à cheval. Les charrettes passèrent devant l’endroit où se trouvaient les trois royalistes. Quatre victimes étaient attachées dans la première. Deux hommes d’abord : l’un portant le costume d’un modeste ouvrier ; celui-là était coupable d’avoir sauvé et caché un prêtre réfractaire. L’autre, habillé en paysan vendéen, et portant fièrement sa veste sur laquelle était encore l’image du Sacré-Cœur. En l’apercevant, Keinec, fit un mouvement brusque et poussa son cheval en avant. Il venait de reconnaître un ancien compagnon dans le malheureux qui marchait à la mort.
    – Eh ! dis donc, prends garde ; tu vas m’écraser avec ton cheval ! hurla Brutus en arrêtant la monture du jeune homme.
    Keinec ne l’entendit pas. Il dévorait des yeux la charrette, la «  bière roulante  » comme l’avait si pittoresquement dit l’ami de Pinard. Brutus, avec cet instinct du mal qui distingue ses pareils, devina en partie ce qui se passait dans l’âme du jeune Breton.
    – Dis donc, citoyen, continua-t-il d’un air moqueur, comme tu les reluques, ces brigands d’aristocrates. On jurerait que tu en reconnais un !
    – C’est possible ! répondit sèchement Keinec, qui avait oublié complètement et l’endroit où il était, et la qualité de l’interlocuteur qui lui adressait la parole.
    Boishardy se mordit les lèvres, Marcof voulut s’approcher de son ami ; mais Brutus ne lui en donna pas le temps.
    – Si tu connais des aristocrates, c’est que tu es un aristocrate toi-même ! dit-il d’un ton menaçant.
    Puis s’adressant aux frères et amis qui l’entouraient :
    – Ohé ! les autres, les vrais, les purs, continua-t-il ; voyez-vous cet aristocrate qui nous écrase avec son cheval. Faut le conduire au club et savoir ce qui en retourne.
    – Oui ! oui ! crièrent dix voix ensemble. Au club ! au club !
    – Si c’est un aristocrate, autant le conduire tout de suite au dépôt ! ajouta un sans-culotte.
    La situation devenait critique. Les huées qui s’élevaient autour de lui attirèrent enfin l’attention du jeune homme. Marcof et Boishardy firent simultanément un mouvement pour s’interposer ; mais Keinec ne leur permit pas de prononcer un mot. Le Breton s’éleva sur ses étriers, et, laissant retomber sa main puissante, il saisit Brutus à la gorge, l’enleva de terre, et le jeta sur le cou de son cheval.
    – Qu’est-ce que tu me veux ? lui demanda-t-il.
    Chacun connaît l’influence de la force physique sur les masses populaires. La brusque action de Keinec, la vigueur extraordinaire dont il avait fait preuve, lui attirèrent des admirateurs ; et de ceux-là furent d’abord ceux-mêmes qui voulaient, quelques secondes auparavant, le conduire au dépôt. Boishardy profita habilement de la situation.
    – Voilà ce que c’est que d’insulter un bon patriote en l’appelant aristocrate ! dit-il en riant. Allons ! Keinec, remets le citoyen sur ses pieds. Je suis certain que, maintenant, il est convaincu que tu es aussi bon sans-culotte que lui.
    Keinec obéit, et Brutus, rouge, non pas de honte, mais bien par l’effet de la pression exercée sur son cou, se retrouva à terre, chancelant et étourdi. La foule le hua à son tour. Brutus, sans paraître se soucier des applaudissements décernés à son antagoniste, reprit sa place au milieu des sans-culottes.
    – C’est égal, dit-il seulement, le citoyen aurait pu serrer moins fort.
    – Pourquoi diable viens-tu l’offenser ? répondit Marcof en souriant.
    – C’est bon ! on le repincera ! murmura le sans-culotte.
    Pendant ce temps, les charrettes avaient presque franchi la distance qui les séparait de l’échafaud. L’attention de chacun se reporta sur la terrible machine. Enfin les voitures s’arrêtèrent. Les deux hommes dont nous avons parlé descendirent les premiers. Seulement,

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