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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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indiquait sa promesse d’obéissance, mais il ne parla point. Depuis qu’il avait raconté l’histoire de ses amours, il était devenu plus sombre encore et plus taciturne que par le passé. Une seule pensée l’absorbait, c’était celle de trouver Yvonne. En ce moment, des cris de joie retentirent dans la foule, et l’on vit une ondulation se produire dans la direction de l’échafaud.
    – Ah ! s’écria un sans-culotte en indiquant de la main le fatal convoi dont on apercevait la première charrette, dominant les têtes amoncelées de la foule, ah ! voici la «  bière roulante ! »
    – Les aristocrates vont mettre «  la tête à la chatière ! » ajouta un autre.
    – Et ce soir, ils seront en «  terre libre ! » (au cimetière.)
    – Eh ! Chaux ! tu vas voir quelle mine ils feront au vasistas !
    – Faut bien déblayer le sol de la république !
    – Ah ! dit le premier sans-culotte, il n’y aura pas relâche aux représentations ce soir. Les gueux vont «  éternuer dans le sac ! » Les autres seront baignés, et leurs amis ont eu tantôt une indigestion de fer et de plomb !
    Ces allusions aux trois manières de procéder du proconsul obtinrent un bruyant succès. Puis quatre à cinq voix avinées entonnèrent ensemble ce refrain d’un style sauvage et infâme :
    Mettons-nous en oraison,
    Maguingueringon,
    Devant sainte guillotinette,
    Maguingueringon,
    Maguingueringuette.
    Les deux chefs royalistes baissaient leurs paupières pour ne pas laisser voir les éclairs de colère qui étincelaient dans leurs regards. Ils étaient tombés au milieu d’une bande de la «  compagnie Marat . »
    Cependant Boishardy, plus maître de lui, avait remarqué que plusieurs de ceux qui les entouraient jetaient sur ses compagnons et sur lui des regards inquisiteurs, et il jugea prudent d’aller au-devant des soupçons. Tirant une pipe courte de la poche de sa carmagnole, et la bourrant tout en sifflant un air patriotique, il se pencha sur l’encolure de son cheval.
    – Citoyen ! fit-il en affectant les tournures de phrases de l’époque et en s’adressant au sans-culotte de la «  compagnie Marat  » qui pérorait dans le groupe, et qui n’était autre que Brutus, l’ami de Pinard ; eh ! citoyen, donne-moi du feu !
    – Volontiers, répondit Brutus qui secoua les cendres de sa pipe en frappant le fourneau sur l’ongle de son pouce gauche.
    Boishardy se pencha davantage et les deux pipes se rencontrèrent.
    – Merci, continua-t-il en tirant une énorme bouffée de fumée ; maintenant, citoyen, faut que tu me rendes encore un service.
    – Lequel ? répondit Brutus.
    – D’abord, es-tu un vrai, un chaud, un pur, un sans-culotte, enfin ?
    – Un peu que je m’en vante. La « compagnie Marat » ne se recrute pas parmi les tièdes et les timorés.
    – Ah ! tu es de la « compagnie Marat ? »
    – Tu ne connais donc pas le costume ?
    – Non.
    – Comment, non ?
    – Dame ! écoute donc, il y a six mois que je ne suis venu à Nantes.
    – D’oùsque tu viens, pour lors ?
    – De Brest.
    – Ça va-t-il là bas ?
    – Pas mal, mais moins bien qu’ici, à ce que je vois.
    – Ah ! c’est qu’il n’y a pas des Carrier partout ! En v’là un vrai patriote !
    – C’est pour le voir que je suis venu avec les citoyens, mes amis ; des purs, j’en réponds.
    – Eh bien ! ils ont crânement bien fait, et toi aussi. D’abord, vous arrivez tous à point pour jouir du spectacle gratis. As-tu vu les mitrailles de la place du Département ?
    – Non, nous sommes arrivés trop tard, répondit Marcof en se mêlant à la conversation.
    – C’est dommage, vous auriez ri avec nous. Fallait voir les grimaces de ces brigands d’aristocrates quand ils avalaient du plomb et du fer. Mais soyez calmes, vous n’avez pas tout perdu !
    – Qu’est-ce qu’il y a donc encore ?
    – D’abord le rasoir national, qui fonctionne à présent jusqu’à huit heures du soir, et puis après les déportations verticales.
    – Qu’est-ce que c’est que ça ?
    – Une nouvelle idée du citoyen Carrier, donc !
    Ici Brutus raconta dans son langage pittoresquement sanguinaire les noyades qui, pour la première fois, avaient eu lieu l’avant-veille. Marcof et Boishardy comprirent alors pourquoi ils avaient vu tant de cadavres sur la Loire. Le vieux pêcheur avait dit vrai.
    – Et ce soir, ajouta Brutus en terminant, troisième représentation !

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