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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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menaçant ; tu te donnes des airs de faire attendre des sans-culottes de la « compagnie Marat ! » Décidément tu tournes à l’aristocrate, et ça ne peut pas durer longtemps !
    Le pauvre cabaretier déposa sur la table ce qu’il portait dans ses mains et se retira sans répondre. Cependant, arrivé à la porte, il se retourna et s’adressant à Brutus :
    – Tu n’as plus besoin de rien ? demanda-t-il.
    – Non !
    – Alors je vais sortir ; je laisserai la clef sur la porte.
    – Ah ! fit le sans-culotte en l’arrêtant de la main, puisque tu vas te promener, tu me feras une commission.
    – Avec plaisir, citoyen Brutus.
    – Tu vas aller à Richebourg.
    – Oui, citoyen.
    – Tu connais la maison de Carrier ?
    – Sans doute.
    – Tu demanderas à la sentinelle le citoyen Fougueray, et tu lui diras que des amis l’attendent chez toi.
    – C’est tout ?
    – Qu’il vienne ce soir ; tu ajouteras que Brutus l’attend et que la patrie est en danger ! Ça le pressera.
    – Bien.
    – Il nous trouvera encore ici dans deux heures.
    – J’y vais !
    – Es-tu content ? demanda Brutus en s’adressant à Marcof, tandis que maître Nicoud s’esquivait avec empressement.
    – Oui, répondit le marin.
    – Alors buvons, et pas de rancune.
    – Buvons, je le veux bien.
    – Et parlons un peu des affaires de la République, ajouta Boishardy.
    – Parlons-en.
    – Y a-t-il longtemps que le citoyen Fougueray est à Nantes ?
    – Depuis deux jours.
    – Et il est bien avec Carrier ?
    – Je crois bien, c’est un ami de Pinard.
    – Qu’est-ce que c’est que Pinard ?
    – Comment tu ne connais pas Pinard ?
    – Non.
    – C’est drôle !
    – Eh non ! c’est naturel. Je t’ai dit qu’il y avait six mois que nous avions quitté Nantes.
    – Eh bien ! Pinard, c’est comme qui dirait le chef de la compagnie Marat. Lui et Grandmaison, c’est les trois doigts de la main avec Carrier ; c’est lui qui fixe les rançons ?
    – Quelles rançons ?
    – Celles que payent les prisonniers.
    – Les nobles ?
    – Oh ! que non ! Depuis qu’on a confisqué leurs biens, ils n’ont plus un liard à donner ; aussi on les exécute sans attendre ; mais les gros négociants, faut bien leur tirer le sang du ventre.
    – Tiens ! c’est très adroit, cela.
    – Tu trouves ?
    – Parbleu !
    – Comme ça, continua Brutus en affectant un ton goguenard, comme ça tu approuves les rançons ?
    – Très bien !
    – Et si tu étais incarcéré, tu payerais ?
    – Peut-être.
    – Eh bien ! j’ai dans l’idée que tu payeras, fit Brutus en se rapprochant de la porte à laquelle il donna un tour de clef.
    Boishardy et Marcof échangèrent de nouveau un regard significatif. Les choses commençaient à se dessiner nettement. Le gentilhomme reprit néanmoins d’un ton parfaitement calme :
    – Qu’est-ce qui te donne cette idée-là ?
    – Je vais te le dire, répondit le sans-culotte, tandis que ses compagnons se levèrent vivement en portant la main à la poignée de leur sabre.
    Marcof et Keinec bondirent sur leur siège et furent sur la défensive en un clin d’œil. Boishardy ne bougea pas. Il arrêta même ses deux compagnons.
    – Eh mais, dit-il froidement, il me semble que le temps se gâte.
    – Tu veux dire qu’il est gâté ! hurla Brutus.
    – Et à quoi devons-nous ce brusque changement de température ?
    – À ce que tu n’es pas plus sans-culotte que je ne suis aristocrate.
    – Et puis après ?
    – Après ?
    – Oui.
    – Eh bien ! toi et tes amis nous allons vous conduire à l’entrepôt ; à moins que…
    – Que quoi ?
    – Que nous ne nous entendions.
    – Alors parle.
    – Nous avons besoin d’argent.
    – Bon.
    – Il nous en faut.
    – Combien ?
    – Vingt-cinq louis chacun.
    – En assignats ?
    – En or !
    – Diable ! vous êtes sept, et cela fait cent soixante-quinze louis.
    – Tout juste.
    – Et tu crois que nous payerons ?
    – Si vous ne payez pas, vous y passerez demain.
    – Pour qui nous prends-tu donc ?
    – Pour des gueux de négociants, pour des accapareurs qui viennent affamer les bons patriotes. Allons ! pas tant de raisons ! nous sommes sept, vous êtes trois ; allons-y gaiement !
    – Qu’est-ce que vous en pensez ? demanda Boishardy en se tournant vers ses deux compagnons. Faut-il payer ?
    – C’est mon avis, répondit Marcof en souriant.
    – À la bonne

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