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La Marquise de Pompadour

Titel: La Marquise de Pompadour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Crébillon.
    Et il s’élança au dehors.
    Un quart d’heure plus tard, il rentrait, suivi d’un homme qui déposa près de la cheminée une forte charge de bois, et près de la table un panier plein de bouteilles, puis se retira.
    Crébillon lui-même portait diverses provisions, savoir : en première ligne, du tabac à fumer pour lui-même et du tabac à priser pour Noé ; en deuxième ligne, les rogatons, le mou, les déchets destinés à la ménagerie ; et enfin, les victuailles consistant en un pain tendre, une terrine de pâté, un jambonneau, et une énorme quantité de friandises, tartelettes, pâtisseries garnies de crème fouettée : nous avions omis de dire que l’auteur de
Catilina
était gourmand comme un véritable enfant – qu’il était, d’ailleurs !
    – Allume le feu ! cria joyeusement le poète.
    Le bon Noé se mit à genoux devant la cheminée. Bientôt, un feu clair et pétillant ramena la vie dans le pauvre âtre et répandit sa douce chaleur dans le grenier.
    Pendant ce temps, une scène presque fantastique se déroulait, – scène qui n’a d’ailleurs d’autre intérêt que celui d’une reconstitution historique, et que nous aurions passée sous silence si nous n’étions à même d’en garantir la rigoureuse authenticité. Quoi qu’il en soit, la voici telle quelle :
    A l’entrée de Crébillon muni de diverses victuailles, il s’était élevé dans le grenier un concert prodigieux de jappements et de miaulements : il y eut sur le lit, sur les fauteuils, sur la table, une course éperdue d’animaux bondissants, une folle exubérance de gambades, une démonstration de joie extravagante, chiens et chats roulant en peloton, se griffant, se mordant, se tirant la queue, – le tout, par amitié et allégresse.
    Or, cet infernal tapage dura jusqu’à l’instant où Crébillon, s’étant placé au milieu du grenier, cria d’une voix de stentor :
    – A la soupe !…
    Aussitôt, comme par enchantement, il se fit un profond silence, et tous les animaux vinrent s’asseoir en rond autour du poète, le nez en l’air, tous les chiens à sa gauche, tous les chats à sa droite, attendant avec une admirable mansuétude, sûrs d’avoir chacun leur part…
    Car jamais ils ne jeûnaient !… Que de fois Crébillon s’était passé de pain pour leur donner la pitance !
    Un jour, quelqu’un avec qui il était lié le rencontra sur le Pont-Neuf, qui courait en pleurant, et lui demanda la cause de son désespoir.
    – C’est, répondit Crébillon, que je n’ai pas de quoi donner à manger à mes enfants…
    Ce quelqu’un savait de quels enfants il s’agissait. Il vida sa bourse dans les mains du poète…
    Ce quelqu’un s’appelait Jean Le Rond d’Alembert et venait de s’associer avec Diderot pour la fondation de l’Encyclopédie… Pourtant, s’il était riche de pensées qui devaient bouleverser le monde, il était, lui aussi, pauvre d’écus…
    Pour en revenir à la scène que nous voulons esquisser, Crébillon était donc debout au centre d’un vaste demi-cercle formé par la ménagerie. Il commença une équitable distribution. A mesure que chaque bête recevait sa part, elle se retirait du cercle et s’en allait manger dans un coin. Et la manœuvre se faisait avec une admirable régularité.
    – A toi, Philos ! s’écriait Crébillon, ce morceau de roi… Et toi, Mistigri, allons, fripon, voici ta part !… Et vous, mademoiselle Blanchette, il vous faut un morceau délicat ? Le voici… Et toi, maître Raton, ferme les yeux, ouvre la bouche !… Ah ! voici Zénobie… il me semble que tu manquais hier d’appétit ?… Néron, attrape-moi ça au vol !…
    Ainsi de suite, jusqu’au dernier roquet, jusqu’au dernier minet.
    Lorsque la ménagerie fut repue, Crébillon se tourna vers Noé Poisson et lui dit gravement :
    – A nous, maintenant. Passons dans la salle à manger !
    La salle à manger, c’était le bout de table couvert d’une serviette et de bouteilles.
    L’autre bout de table couvert de papiers, c’était le cabinet de travail.
    Murger ne devait écrire sa
Vie
de
Bohême
que plus d’un siècle plus tard. Crébillon a donc sur le philosophe Colline et le poète Marcel tout au moins le mérite de l’antériorité.
    Les deux amis se mirent donc à table et attaquèrent les provisions, Crébillon débouchant les bouteilles, Noé découpant le jambonneau, tout en poussant de profonds soupirs. D’ailleurs, il n’en perdait

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