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La Marquise de Pompadour

Titel: La Marquise de Pompadour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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yeux.
    Elle se vit dans son atelier, et revenant à elle avec toute la promptitude d’esprit qui lui était coutumière :
    – Ah ! mon père, s’écria-t-elle en se blottissant dans les bras de Tournehem, merci, merci de cette bonne pensée que vous avez eue.
    – Quelle bonne pensée, mon enfant ?
    – Celle de me transporter ici… Mais il me semble que j’entends des musiques… un air de danse… Oh ! faites-les taire… je vous en supplie… Pourquoi les musiciens sont-ils ici au lieu de se trouver à l’hôtel d’Etioles ?…
    – Voyons, enfant, dit Tournehem en serrant la jeune fille sur sa noble poitrine angoissée ; entendons-nous… expliquons-nous, veux-tu ? Tu vas tout me dire, n’est-ce pas ? Ton chagrin, je veux le connaître… Je veux savoir… Ecoute-moi bien… Et d’abord, sache que nous sommes à l’hôtel d’Etioles…
    Jeanne bondit, regarda autour d’elle.
    – Mon atelier ! murmura-t-elle. C’est pourtant mon atelier, je ne rêve pas…
    Elle courut à la fenêtre et elle étouffa un soupir d’amère déception ; la fenêtre donnait sur la Seine, et non sur la rue des Bons-Enfants.
    – Une surprise que te fait ce brave Henri, dit Tournehem. Cette pièce est l’exacte reproduction de celle que tu aimais tant… mais elle se trouve bien dans l’hôtel d’Etioles. Ah ! çà ! ajouta-t-il avec un sourire navré, mais on dirait que tu espérais… que tu croyais… Voyons… viens t’asseoir… là… sur mes genoux, comme autrefois lorsque tu étais toute petite… quand je venais te voir… entre mes longs voyages… Alors, enfant, tu mettais tes bras autour de mon cou… tu posais ta chère petite tête blonde sur mon épaule… et, levant vers moi tes yeux lumineux, tu me souriais… comme si tu avais vraiment connu l’inapaisable douleur de ma vie… comme si tu avais voulu me donner une précieuse consolation… Et alors, ma Jeanne, ma fille adorée, je sentais en effet mon désespoir s’apaiser et mes remords se fondre comme la glace sous le sourire du soleil… Tu réchauffais mon âme…
    Jeanne s’était assise, avait mis ses bras autour du cou de son père et laissé tomber sa tête sur son épaule.
    Mais elle ne levait pas les yeux ; elle ne souriait pas : elle pleurait doucement, sans bruit.
    Tournehem garda un moment le silence, puis tout à coup, gravement, il demanda :
    – Jeanne… ma bien-aimée, pourquoi pleures-tu ?…
    – Taisez-vous, père… oh !… taisez-vous !…
    – Jeanne ! je veux savoir pourquoi tu pleures ! Le serment que je fis à la pauvre morte de l’Ermitage ; le serment que, devant toi, j’ai renouvelé sur la dalle qui couvre son éternel sommeil, Jeanne, je le tiendrai ! J’ai consacré ma vie à ton bonheur : tu seras heureuse !… Réponds-moi, mon enfant… réponds-moi seulement par oui et par non… je veux t’éviter jusqu’au chagrin pénible d’un aveu… je veux chercher pour toi… Voyons.
    Il parlait d’une voix grave, douce, tendre, et mettait son énergie à ne pas trembler.
    – Voyons… est-ce que ce mariage te déplaît ?
    Par un prodigieux effort de tout son être raidi. Jeanne parvint à ne pas tressaillir…
    Seulement, elle continua de pleurer, doucement.
    – Tu as pu te tromper… ces choses-là arrivent… C’est cela, n’est-ce pas ?… Tu as cru aimer ce pauvre Henri… tu as accepté de devenir M me  d’Etioles… et au moment suprême, tu t’es aperçue qu’il n’y avait dans ton cœur que de l’affection familiale pour ton cousin… c’est cela, parbleu ! Eh bien, rassure-toi… je parlerai à Henri… Ce mariage, je parviendrai à le briser…
    Cette fois, Jeanne frémit, – mais non d’espoir. Une épouvante insensée s’empara d’elle. Si son père essayait de briser l’infâme union, c’était la calomnie qui le guettait ! C’était la dénonciation toute prête ! C’était la formidable accusation de concussion ! C’était l’échafaud !…
    Elle se mordit les lèvres pour ne pas crier.
    – Ce pauvre Henri ! continua Tournehem. C’est un excellent cœur, je le sais. Il m’a rendu d’immenses services en s’occupant activement de la gestion de ma ferme royale, pendant mes voyages. Il mérite toute ma gratitude et toute notre affection… mais enfin je dois avouer qu’il n’est pas beau… Je m’étonnais aussi de cet amour… mais devant tes affirmations venant après les siennes, je m’étais incliné. Au fond, je n’étais

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