Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

La Marquise de Pompadour

Titel: La Marquise de Pompadour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
pas fâché de te voir épouser mon neveu. Ainsi tu restais dans la famille… plus près de moi. C’était de l’égoïsme. J’eusse dû ouvrir les yeux, étudier, analyser… Allons, ne pleure pas, mon enfant chérie… je vais, à l’instant même, parler à Henri…
    Jeanne se dressa toute droite.
    La vision de son père montant à l’échafaud passa devant ses yeux.
    Elle essuya ses larmes, et, d’une voix ferme, d’une voix où il y eût été impossible de saisir une hésitation, d’une voix qui traduisait admirablement le sacrifice de sa vie, elle prononça :
    – Vous vous trompez, mon père : mon mariage avec Henri ne m’inspire aucun regret, aucune amertume…
    – Je me trompe ! s’écria Tournehem stupéfait.
    – Et ce mariage, acheva Jeanne, s’il était à refaire, je n’en souhaiterais pas d’autre…
    – Ainsi, tu l’aimes… vraiment ?…
    – Je l’aime ! répondit Jeanne, sublime à coup sûr dans cette minute.
    – Et tu es heureuse ?…
    – Oui, mon père : heureuse !…
    Tournehem, pensif, prit la main de Jeanne. Cette main était glacée. Mais l’intrépide jeune femme n’avait pas un tressaillement… et elle souriait !
    – Ces larmes… ton évanouissement…
    – Caprice… vapeurs d’une pauvre petite tête exaltée…
    – Jeanne !…
    – Ces chants à l’église, ces lumières, ces parfums d’encens, la marche triomphale des orgues… vous savez, mon père, que je suis une petite détraquée… et que la musique me met les nerfs en pelote…
    – Jeanne !… mon enfant… tu mens !… tu mens à ton père !…
    – Je vous jure que je dis la vérité !
    – Tu le jures ?…
    – Sur votre tête… oui, dit Jeanne dont le fin visage s’illumina de l’auréole des martyrs ; sur votre chère tête, je le jure !…
    – Oh ! songea Tournehem au plus profond de sa conscience, est-ce que ce serait plus grave encore que je n’avais supposé ? Je pressens quelque trame souterraine et formidable autour du bonheur de mon enfant !… Quoi ?… Je le saurai ! Dussé-je y employer ma fortune et ma vie !…
    Quelques minutes plus tard, celle qui le matin encore s’appelait Jeanne-Antoinette Poisson, selon l’extrait du registre de sa paroisse, et qui s’appelait maintenant M me  Le Normant d’Etioles, Jeanne, souriante, fit son apparition dans la grande salle des fêtes, au milieu d’une foule qui représentait tout ce que Paris comptait alors de gens illustres en finances, en art et en littérature.
    Elle fut acclamée.
    Elle traversa au bras de son père les groupes empressés à l’admirer.
    Et avec une liberté d’esprit qui eût paru prodigieuse si l’on eût connu les véritables pensées de cette enfant, avec une promptitude charmante et un merveilleux tact, elle répondit à chacun, trouva pour les artistes et les gens de lettres le mot qui flatte la vanité et amène ce sourire de gloire satisfaite sur les lèvres épanouies.
    Il apparut à tous qu’elle serait une incomparable maîtresse de maison.
    – Désormais, s’écria Crébillon qui avait de l’esprit même quand il n’était pas ivre, désormais il y a dix muses au lieu de neuf. Il était réservé à notre siècle de créer la muse des fêtes… sans compter que par un raffinement de grâce, il y a dans son nom un admirable anagramme…
    – Lequel ? fit-on curieusement.
    – Sans doute ; elle ne s’appelle pas d’Etioles : elle est l’étoile des Etoiles…
    Ce mot fit pâlir d’envie toutes les femmes des financiers qui se trouvaient là, lesquelles se vengèrent en organisant une cabale contre le pauvre Crébillon à la première représentation de son
Catilina.
    A quoi tiennent les destinées d’un poète !…
    La nuit vint. Vers onze heures, les derniers invités se retirèrent ; Jeanne, réfugiée dans le salon du premier étage, sonna une femme de chambre et se fit conduire à la chambre à coucher. Alors elle renvoya cette fille d’un geste, et poussa les verrous. Puis elle s’assura qu’il n’y avait pas d’autre issue, d’autre porte par où celui dont elle portait le nom pût pénétrer jusqu’à elle.
    Alors, toute cette force d’âme extraordinaire qui lui avait permis de jouer jusqu’au bout son rôle héroïque se brisa d’un coup, comme peut se briser un ressort de montre.
    Elle devint livide et s’affaissa sur ses genoux, balbutiant des mots sans suite, livrée à une de ces crises de désespoir qui ravagent le

Weitere Kostenlose Bücher