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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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d’avant en arrière. Deux s’étaient déjà effondrés, épuisés. Personne n’osait lever les yeux de peur de croiser le regard du colonel. On fixait donc sa monture, Beau Coureur, que l’on surnommait Belzébuth. Saber était ivre de rage.
    — Ah, si les Russes étaient des moineaux, tout irait bien, puisque je commande une légion d’épouvantails !
    Belzébuth vint spontanément se placer devant Lefine. Son museau s’approcha de son visage. On lui prêtait des pouvoirs surnaturels, tels que flairer les pensées insultantes pour son maître.
    — Repos ! tonna Saber. Sergent Lefine ! Vous, vous êtes un combattant expérimenté ! Comment expliquez-vous la tenue lamentable de vos soldats ?
    Lefine se désolait. Dire qu’autrefois, ils étaient amis... Saber avait tellement changé ! Était-ce cela que l’on appelait la corruption du pouvoir ?
    — Les hommes sont fatigués, mon colonel ! cria-t-il.
    — Quand on est fatigué, l’ennemi l’est aussi ! C’est le premier qui cède qui perd ! À mon commandement : en colonne d’attaque !
    Pitoyable fut le résultat. Les gardes nationaux titubaient, ils ne savaient même plus différencier leur droite de leur gauche... À les voir s’agiter ainsi, on avait plutôt l’impression d’assister au grouillement de moustiques attirés par les halos des réverbères. Margont, qui avait vu que la caserne s’était presque vidée de ses soldats et qui n’avait pas trouvé Lefine dans sa chambrée, avait deviné ce qui s’était passé. Pour se ménager, il avait fait seller deux montures. Il survint à cheval, tenant l’autre bête par la bride. Belzébuth tourna aussitôt la tête dans sa direction. Margont repéra Lefine et lui fit signe. Était-il à ce point absorbé par son enquête qu’il ne remarquait pas tous ces hommes à l’exercice ? Ou protestait-il ouvertement contre son colonel ? Lefine avait l’impression de n’être qu’un morceau de viande que se disputaient deux chiens fous furieux...
    — J’ai du nouveau, il nous faut agir sur-le-champ ! insista Margont.
    Lefine salua son colonel, donna son fusil à un garde qui n’en avait pas – car on n’en possédait pas assez pour tout le monde – et rejoignit Margont. Saber les regarda s’éloigner. Il désigna Margont de son sabre.
    — Grâce au ciel, il y au moins une autre personne que moi dans cette légion qui fait quelque chose ! Poursuivez la manoeuvre !
    Il attendait que la colonne d’attaque soit enfin constituée. Il voyait les hommes peiner, se heurter, jouer des coudes pour rectifier l’alignement... Ah, ils n’étaient pas contents ? Vraiment ? Alors comment réagiraient-ils quand il donnerait l’ordre de passer de la colonne d’attaque à la ligne de bataille ?
    Margont et Lefine se lancèrent au trot dans les rues glacées.
    Minuit approchait, mais l’animation ne faiblissait pas dans Paris. Dans les quartiers riches, des conversations et de la musique s’échappaient des maisons éclairées. On allait manger, discuter, danser et jouer de l’argent jusqu’à deux heures du matin, moment où l’on servirait le thé – surtout pas anglais, malheureux !, mais du sou-chong –, du punch au thé vert et des friandises. Aussi incroyable que cela puisse paraître, nombre de Parisiens ne croyaient toujours pas que Paris fût menacé. Pour eux, Napoléon allait régler tout cela. Dans les quartiers pauvres aussi, des gens veillaient encore, faisant la fête dans les cabarets. En hiver, ces derniers devaient fermer à dix heures du soir. Mais les habitués ne s’en souciaient pas et continuaient leur tapage. Chaque commissaire d’arrondissement devait régulièrement intervenir pour imposer la fermeture, accompagné d’un officier de paix, de trois inspecteurs et d’une demi-douzaine de soldats de la garde municipale, ce qui dégénérait en grandes empoignades...
    Lefïne assaillait Margont de questions, mais celui-ci lui répondait à côté – quand il répondait... Lefine avait l’habitude : il fallait attendre que son ami ait mis de l’ordre dans ses pensées.
    Margont confia leurs chevaux à une sentinelle et fut admis à l’intérieur de la prison du Temple, car les hommes de Joseph avaient annoncé sa venue.
    Un gardien les conduisit à travers des couloirs sombres et suintants d’humidité. Ils aboutirent dans une pièce blafarde, où se trouvait une lampe à huile qui empestait plus qu’elle n’éclairait.
    — Je vais

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