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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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son palais se desséchait, ses genoux s’entrechoquaient. Habituée à ne rien trahir de ce tumulte, elle désigna un fauteuil à l’inspecteur et s’assit face à lui.
    — Un de vos pensionnaires se nomme bien Alphonse Ballu ?
    — C’est exact. Il est actuellement absent.
    — Cette absence perturbe fort le général Barnet, dont il est le secrétaire, car aucune permission ne lui a été octroyée. Avez-vous une idée de sa destination ?
    — Ma foi non, il est peu courant que mes locataires m’avertissent de leurs voyages.
    Elle mentait, Augustin Valmy le devinait à son regard fuyant, à ses lèvres qu’elle suçotait entre deux mots.
    — Vraiment ? Et n’êtes-vous pas inquiète si leur éloignement se prolonge ?
    — Je ne suis pas censée les dorloter au point d’échanger des lettres avec eux.
    — Vous souvenez-vous du jour où le capitaine Ballu a pris congé ?
    Armande Simonet fit mine de réfléchir. Quel danger était le pire, avouer ou se taire ? Elle esquiva le problème en arrangeant les faits.
    — La dernière fois que je lui ai parlé, c’était le samedi 12 septembre. Il a rejoint une femme à l’extérieur et ils sont partis ensemble.
    — Bigre, une semaine et demie. Pourriez-vous la décrire ?
    — Elle paraissait plus âgée que lui.
    — Son costume ? Sa coiffure ?
    — Quelle raison aurais-je eue de m’en soucier ?
    L’inspecteur se leva, mécontent. La dame était coriace. Une convocation en bonne et due forme à la Préfecture de police vaincrait peut-être sa mauvaise volonté. Par la même occasion, il chicanerait la cousine, Micheline Ballu, ainsi que Victor Legris, ce roué qui fouillait sans relâche, secondé de son beau-frère, la remise de la brocanteuse. En sortant, il caressa machinalement le manteau de la cheminée. Son index gris de poussière le réduisit à salir un mouchoir immaculé avant d’enfiler ses gants de suède.
    Armande Simonet s’adossa au chambranle, partagée entre la panique et la rage. De quel droit chamboulait-on son existence ? Des réflexions discourtoises, des propos monitoires, une critique muette de la propreté des lieux ! Elle n’avait jamais prisé la fréquentation des policiers, et si cet olibrius ganté espérait l’intimider, il se fourvoyait autant que l’inconnu qui l’avait sommée de se museler. Gare à la sauce !
     
    Kenji et Victor s’entretinrent un long moment des affaires de la librairie pendant que Joseph discourait tantôt avec un spécialiste de Stendhal, tantôt avec un disciple d’Auguste Comte, et provoquait l’écroulement d’une pile de paperasses par son empressement à satisfaire un marquis fanatique d’études généalogiques.
    Quand tout ce petit monde se fut dispersé, Kenji retrouva ses chères fiches et la question qui le rongeait : céder au moins une fois aux charmes d’Eudoxie équivalait-il à se priver de Djina ?
    — Joseph, dénichez-moi quelques ouvrages sur la parfumerie, demanda Victor, qui ajouta à voix basse : J’ai du nouveau, proposez-moi de vous suivre dans l’arrière-boutique.
    Dès qu’ils furent à l’écart, il murmura :
    — Le ruban vert, s’il vous plaît.
    Joseph l’extirpa de son calepin, tandis que Victor déchirait le papier mauve emprisonnant Sourire des Indes. Ils comparèrent les deux rubans, de taille et de texture identiques.
    — Sapristi ! Vous vous êtes inscrit à un cours accéléré de magie ? Comment avez-vous réalisé cet exploit ?
    — Les desseins de la Providence sont impénétrables. Maintenant, il s’agit d’inspecter la fabrique Romant. J’ai songé à un reportage photographique, le plus tôt sera le mieux.
    — Brillante idée, ça nous permettra de fureter. Je vais leur téléphoner, demain, ça conviendrait ?
    — Je viens de prévenir Kenji que vous et moi irions chez Chanmoru collationner des livres illustrés.
    — Préparez votre matériel, s’ils agréent, je laisse le téléphone sonner deux fois de suite chez vous ce soir, je marque un bref arrêt et je réitère. Traduction : on se fixe rendez-vous au pied de mon immeuble à huit heures du matin.
    Lorsqu’ils remontèrent, Euphrosine, manches retroussées, vivante incarnation de la Justice, se découpait dans l’embrasure.
    — Maman, je t’ai déjà priée…
    — Je sais, territoire interdit ! Fils sans vergogne, ta propre mère ! Si j’ai bravé la vindicte de mon rejeton, c’est que la pauvre Micheline se ronger les sangs à

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