Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
Vom Netzwerk:
labyrinthe de corridors et avoir obtenu l’aide d’une imposante péripatéticienne au décolleté généreux, la porte qu’il effleura s’entrebâilla sur un personnage qu’il se souvint d’avoir déjà rencontré à la librairie.
    — Monsieur Legris, que me vaut l’honneur… Entrez donc et excusez ma mise, j’ai veillé tard.
    Derrière son hôte en robe de chambre, Victor se fraya un chemin parmi des bronzes et des terres cuites représentant en majorité des nus féminins. Ils atteignirent vite une minuscule table encombrée d’un réchaud et de vaisselle sale.
    — Un café ? proposa Hans.
    — Non, merci. Je serai bref. Mon épouse vous interdit désormais de la harceler.
    — Tasha a-t-elle peur de moi ou de ses propres impulsions ?
    — Je vous serais reconnaissant de ravaler vos réflexions désobligeantes, riposta Victor dont les poings se serrèrent sans qu’il le leur eût commandé.
    — Je prends acte de votre requête. Que Tasha se rassure, je n’insisterai plus. Elle vous appartient, tâchez de la mériter et de vous montrer capable de la retenir, c’est un vrai papillon, elle butine où bon lui semble.
    — Comment osez-vous ?
    Hans adopta une position défensive. Son expression inquiète démentait l’insolence de sa moue. Victor demeurait figé, ignorant la façon dont il convenait de cogner. Jamais encore il ne s’était battu dans les règles. Fallait-il frapper le menton ? Le nez ? Le bas-ventre ? Il se figura être un spectateur, jaugea le ridicule de la situation, préconisa au Victor pugiliste de baisser pavillon. Ses bras retombèrent.
    — Je refuse de me résoudre à un combat stupide, parce que j’ai foi en ma femme, quelles que soient vos insinuations.
    — Bravo, vous êtes magnanime ! À moins que ce ne soit de la lâcheté ?
    — Essayez donc de vous frotter à moi !
    Hans esquissa un geste offensif, mais le cœur n’y était pas. Au fond, Victor lui était sympathique. Quant à Tasha, mieux valait renoncer temporairement à elle que de s’exposer à un coquard.
    Il tendit la main.
    — Brisons là, monsieur Legris, je ne vous reconduis pas, adieu, au plaisir de ne pas vous revoir.
    Victor allait sortir lorsqu’il pivota et lança au sculpteur :
    — Votre compagnie m’avait été beaucoup plus agréable quand vous m’aviez rendu visite afin, paraît-il, d’acquérir des ouvrages sur l’histoire de l’art. Mon associé, créateur de dictons, aurait constaté : Le port du masque embellit les bellâtres.
    La colère abusa Victor. Le passage connectait deux niveaux divergents, aussi déboucha-t-il à l’arrière de la construction où il dut contourner un pâté de maisons avant d’apercevoir la concierge.
    — C’est la terreur des cochers, ce coin, y a trop de clients malhonnêtes qui les laissent en plan à cause de cette issue double.
    Victor la gratifia d’un pourboire et enfourcha sa bicyclette. Il pédala d’une traite le long de la rue des Petits-Champs et ne ralentit que rue Volney. Il y stationna quelques minutes devant la façade du Cercle artistique et littéraire pour contempler la frise ornant le bandeau du premier étage. Membre de ce club au temps où il fréquentait Odette de Valois, il y avait plusieurs fois compulsé les parutions et griffonné son courrier dans une luxueuse salle de correspondance. Des domestiques en culotte courte emplissaient son assiette et son verre à volonté, et, une fois par an, il jouissait du privilège d’applaudir une œuvre théâtrale inédite.
    Odette… Il était différent alors, superficiel, mondain. Sa passion envers Tasha avait bonifié son tempérament.
    Il s’aventura sur les Boulevards. Marchands de cristaux, bottiers, joailliers, boutiques de frivolités, hôtels et restaurants rameutaient les badauds. À la faveur d’une journée lumineuse, les messieurs sirotaient un quinquina à la terrasse d’un café, les dames papotaient sous les marronniers où la chaisière, vêtue de noir, sa sacoche en bandoulière, réclamait sa créance.
    Le magasin d’un figaro aux boiseries jaune vif attirait l’attention. Des mèches de cheveux bouclées ou raides assemblées dans un cadre reproduisaient une procession de prêtres devant une pyramide. « Manifestement, tout me ramène à l’Égypte », se dit Victor. Soudain, il avisa les vitrines d’un parfumeur. Il pria un groom à calotte et veste rouges de surveiller son engin, et se proposa d’acheter du benjoin pour Tasha. Ce

Weitere Kostenlose Bücher