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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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cause de son cousin que tu t’étais engagé à pister. Vous aussi, monsieur Legris !
    — Nous sommes débordés, mais dès demain…
    — Demain ou à la saint-glinglin, oui ! Dis donc, Joseph, tu n’aurais pas aperçu mon cabas vert, par hasard ?
    — Non.
    — C’est fort ! Où a-t-il pu se fourrer ?
    Elle jeta un œil soupçonneux à son fils qui feignait de feuilleter le livre de commandes.
    — Ce serait pas toi ?
    — Moi quoi ? D’abord, qu’est-ce que j’en ferais, de ton cabas vert ?
    Euphrosine claqua si vivement la porte que le carillon faillit se décrocher. Kenji en oublia son dilemme et, abaissant ses besicles, considéra ses associés.
    — Des gamins jouant aux conspirateurs ! À votre âge, vous n’avez pas honte ?
    Joseph s’apprêtait à nier, mais Victor le devança.
    — Impossible de révéler à Euphrosine que le cousin de sa meilleure amie file le parfait amour avec une fromagère des Halles !
    Le mot « amour » attisa la conscience de Kenji, incontinent replongé dans ses fiches.

 
    CHAPITRE XVIII
    24 septembre
     
     
    Un mur gris ceignait un vaste parc au milieu duquel s’agglutinaient des magasins, des ateliers, des entrepôts. Dépêché par la direction, un petit homme aussi rond que large, surmonté d’un gibus mité, les reconnut de loin à l’appareil à pied que Victor portait sur l’épaule et se démena avec des gestes frénétiques.
    — S’il se figure être un sémaphore, et nous, deux coques de noix dans la tempête, il est près d’la vérité, grogna Joseph que la bise frigorifiait.
    — Bien le bonjour, messieurs, vous devez être les envoyés du Passe-partout , on m’a investi de la mission de vous piloter au sein de notre entreprise. Je me nomme Mathias Hervé, je suis un nez.
    — Un nez ? s’exclama Joseph, toisant la pomme de terre qui, au-dessus d’une moustache de phoque, constituait l’appendice nasal de leur interlocuteur.
    — Je suis, si vous préférez, un de ces magiciens qui créent l’odeur et l’âme d’un parfum. Mon cerveau, quoique de modestes dimensions, est capable de classer et doser les composantes de l’accord sublime des fragrances. Mon prédécesseur était doué, mais j’envisage de le détrôner. Veuillez m’emboîter le pas, nous ne disposons que d’une heure, sinon mes alambics se languiront de moi.
    Ils longèrent des écuries où des chevaux attelés à des carrioles encensaient et martelaient le sol de leurs sabots, impatients d’être délivrés de leur harnachement. Du ton d’un guide historique, Mathias Hervé récita :
    — La maison Romant fut fondée en 1873 par Louis Romant, frère de Charles Romant, ministre des Finances de juin à septembre 1890. Louis Romant épousa une demoiselle Surjet, riche héritière de Grasse. Son père y avait créé une distillerie de lavande, ce qui permit au couple de quitter sa Provence natale et de créer cette usine. J’ai l’honneur de vous convier à vous attacher à mes pas.
    Il leur expliqua qu’ils ne parcourraient pas les locaux dédiés à l’élaboration des parfums, car ces opérations s’entouraient d’un mystère qualifié de chasse gardée.
    — Divulguer nos procédés à la concurrence est prohibé. Toutefois, pour l’édification de vos lecteurs, M. le directeur vous autorise à photographier l’agitateur mécanique.
    Il s’approcha d’une table en fonte montée sur un axe vertical. Un moteur transmettait un mouvement de rotation à des arcs verticaux garnis de crans auxquels étaient scellés des vases fixés par des courroies. Les remous facilitaient la dissolution des essences.
    Victor avait choisi d’emporter une chambre de format 18 x 24 sur trépied et une dizaine de plaques. Il fallait impressionner le personnel et un simple Pocket Kodak n’aurait pas fait l’affaire. Tandis qu’il déballait son matériel, il surprit M. Mathias Hervé en train le prendre la pose, torse bombé, sans cesser son laïus.
    — Nous nous servons aussi d’extracteurs, des cylindres en tôle où sont malaxés, grâce à l’effet de palettes, les matières grasses et l’alcool indispensables à d’autres arômes. La direction désire que cela ne soit pas dévoilé à la presse. Vous avez terminé ?
    Victor rangea son attirail. Il n’avait pas l’intention d’exécuter le moindre cliché, de toute façon la lumière était mauvaise.
    Mathias Hervé les entraîna vers une salle réservée à la « toilette des

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