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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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rongeait l’ongle du pouce.
    — Tu m’as espionnée ?
    — Il y a deux mois que je réside à Paris, j’ai cédé à la tentation. Des relations m’ont facilité l’accès à des collections privées, celles d’Anglais notamment, où figurent tes productions.
    — Je devrais être flattée de cet intérêt et te louer de ce boniment à propos de mes compétences. Jolie revanche.
    — Quelle revanche ? Tu pourrais faire preuve d’un peu de courtoisie. As-tu oublié ? Nous avons passé de bons moments ensemble.
    — Oui, quand tu trompais la surveillance de ton épouse. Dirais-tu que tu as souffert de notre rupture ?
    — Oui.
    — En éprouves-tu du regret ?
    Il ressentit un petit choc à l’estomac et dans les lombes.
    — Oui, dit-il d’un ton grave.
    — C’est trop tard, Hans, huit ans !
    — Je sais, je suis heureux de te revoir. Tu m’en veux mais… Ce que je t’ai dit jadis de ton travail, je le pensais et je le pense aujourd’hui. Ne me foudroie pas ainsi ! Tu es extrêmement douée, mes remarques qui te semblaient désobligeantes visaient à ton perfectionnement. En ce qui me concerne les attaques ne m’ont guère été épargnées. Celles qui émanaient d’amis sincères m’ont permis de m’améliorer.
    — Bravo, Hans Richter. Puisque Rodin te porte aux nues, j’en déduis que tu es apte à m’inculquer le nec plus ultra de la science des proportions.
    Il soupira.
    — Je constate que rien n’a évolué. Dommage que lu m’aies quitté…
    — Déplorable fatalité. D’abord moi, ensuite ta légitime. Cela ne t’incite-t-il pas à te remettre en question ? Ton rôle de mentor indisposerait-il les femmes ?
    — Personne n’est à l’abri de défaillances. Toutefois, il est un point sur lequel nous étions en parfaite harmonie, admets-le. Jamais – tu m’entends – jamais je n’ai connu un tel plaisir physique, ni avant, ni après toi.
    Charmée par l’aménité de sa voix, elle s’immergea dans ce passé commun où chaque nuit était une fête sensuelle. C’était cet émoi que la seule vue de son nom sur un bristol éveillait en elle. La réminiscence du désir qu’il lui inspirait et qu’elle s’acharnait à combattre l’avait attirée ce soir au Procope . Et pourtant, elle aimait follement Victor, ses étreintes étaient tout aussi voluptueuses, plus encore, puisqu’un amour fondé sur le respect mutuel les unissait… Que de complications stupides ! Était-ce parce que Hans avait été le premier, et que le corps garde la mémoire de ce qui l’a bouleversé ?
    Elle se sentait vulnérable. Elle se leva.
    — Il est préférable de nous dire adieu.
    — Allons, faisons la paix. J’avoue : je me suis renseigné sur toi. Je suis allé rue des Saints-Pères, j’ai discuté avec Victor Legris. C’est un type bien, ça me chagrine d’en convenir.
    — Il sait qui tu es !
    — Non, rassure-toi, je suis simplement un client de passage. Je pars bientôt.
    L’espace d’un bref instant, elle en conçut un intense soulagement mêlé de tristesse.
    — Reste, ordonna-t-il. Je retourne au Procope expliquer mon absence, et je reviens te déposer à ta porte. Je te promets d’être sage pendant le trajet.
    Elle fut tentée de s’esquiver. Après tout, c’était une autre vie. Elle demeura rivée à son siège, et, quand il reparut, elle ressentit de l’euphorie.
     
    — Zut, je me suis tachée avec du beurre, aurais-tu la complaisance de m’dégoter d’la Benzine Collas, mon minet ? dit Euphrosine en se gavant de truite aux amandes.
    Joseph eut une expression accablée. Visage crispé, il s’exécuta. Iris et Kenji échangèrent un coup d’œil, mais s’abstinrent de piper.
    — Oh ! là ! là ! monsieur Mori, quel cataclysme ! J’ai lu dans un des journaux que j’déchire pour les cabinets d’aisances qu’un terrible raz de marée a ravagé trois provinces du Japon sous une muraille (le flotte gigantesque, y aurait eu vingt-sept mille morts, j’espère que personne de votre famille ne s’est noyé !
    — Tranquillisez-vous, madame Pignot, je n’ai aucune parentèle dans les provinces de Miagi, Iwate et Aomari.
    — Ben tant mieux. Et à Kyoto, vous avez des parents ?
    — Un lointain cousin.
    — Probable qu’il jubile, et vous aussi qui raffolez du progrès, le premier tram électrique de votre pays a été mis en service, il a vingt-six voitures et il parcourt dix-huit kilomètres !
    — Mon pays, c’est la

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