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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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trottoir, coupable d’une violation de domicile caractérisée.
    — M’est avis qu’il serait judicieux que vous vous absteniez d’insister, Joseph. Comparez notre affaire avec l’imbroglio de la rue Fontaine. La police ne parvient pas à déterminer s’il s’agit d’une tentative de suicide à l’arme blanche ou d’une agression délibérée.
    — Ah oui, cette histoire que j’ai découpée, au début du mois, un monsieur Bedel, la gorge tailladée à coups de rasoir… Il a soutenu avoir été attaqué par trois individus qui l’ont soulagé de neuf cents francs. Tenez, je l’ai, là, dans mon carnet : une concierge balayait son escalier, quand, sur le palier du premier, son locataire, la figure et la chemise pleines de sang. Rue Fontaine, numéro 17, votre rue ! Quel cachottier vous êtes !
    — Je proclame mon innocence. Pourquoi aurais-je tenté de trucider un roquentin ? Nous nous égarons.
    — En tout cas, supposons que je me sois appuyé sur un postulat erroné…
    — Vous ? Impossible, vous ne vous fondez que sur , preuves en chêne massif !
    — Dispensez-moi de votre ironie. J’ai bâti, un peu vite, une intrigue selon laquelle Alexandrine Piote aurait été sacrifiée à cause de la boîte de Migrainine où elle avait rangé le livre miniature.
    — Moi, je pense que ça tient debout.
    — Ce ne sont que des théories. Elle l’avait peut-être vendu ou donné, ce livre. Elle s’est pendue pour des motifs personnels, son assassinat est une hypothèse.
    — Hier vous étiez positif. Avec vous, c’est un pas en avant, deux pas en arrière !
    Ils avaient marché jusqu’à l’avenue d’Italie. Devant une boutique qui proposait les produits de la ferme, un chanteur ambulant psalmodiait avec des trémolos dans la voix :
    Ma gigolette, elle est perdue !
    Il enchaîna avec Tha-ma-ra-boum-dié , rengaine que bissa le public de chalands. Joseph se fût volontiers joint à ce chœur et eût même acheté un petit format, mais Victor le remorqua jusqu’à la station de fiacres où, nonobstant le temps pluvieux, un arroseur inondait la chaussée.
    — Modérez-vous, sinon vous serez inapte au service de la librairie.
    Joseph se tint coi, ce qui ne l’empêcha pas de songer :
    « S’il se figure que je vais me contenter de débiter des bouquins, il se fourre le doigt dans l’œil ! Je refuse de lâcher cette charade ! C’est pas pour des nèfles que maman m’attribue une trombine de mule ! »
     
    En mettant le couvert, Euphrosine fredonnait le premier air trottant dans sa mémoire.
    —  On vend d’excellent’s côt’lettes, ru’d’l’Arbalète, et de succulent gigot, ru’d’Turbigo !
    Elle se souciait peu que l’auteur des paroles se nommât Jules Jouy. En revanche, elle déplorait d’avoir eté contrainte par sa belle-fille à mijoter des grondins sauce au beurre plutôt qu’une culotte de bœuf aux choux.
    —  Prends gard’, si jamais j’te r’pince, ru’MonsieurI’Prince, j’t’accommod’rai aux p’tits oignons, ru’Matignon ! rugit-elle, la prunelle vengeresse.
    On sonna. C’était Micheline Ballu, le chignon en bataille, le châle à l’envers.
    — Vous ? Qu’es-aco ? Une tuile ?
    La bouche crispée, la concierge avala sa salive et articula :
    — C’est… C’est… J’ai fui ma loge, j’étais au bord de la crise nerveuse, y a qu’à vous qu’j’ose me confier. J’importune ?
    — Joseph n’est pas rentré et mon fricot est prêt, allons à la cuisine, on sera mieux pour une causette.
    — Quelle poisse, j’en ai jusque-là de cet embrouillamini, j’vais choper un ulcère !
    — Moi, c’est mes cors qui me lancinent, je commanderai des anneaux de Wasmuth, paraît que c’est souverain.
    Micheline Ballu se laissa choir sur un tabouret, secouée de sanglots.
    — Ben, calmez-vous, qu’est-ce qui cloche ? Ils ous ont flanqué votre congé, les mollusques ? J’vous sers un remontant, du vin d’Espagne, ça vous réchauffera.
    — J’ai pas froid, déjà qu’on cuit dans son jus, ici… C’est à propos de mon cousin.
    — Alphonse ? Le militaire ?
    — Qui d’autre ? J’en ai qu’un, de cousin, Dieu soit loué. Ce matin…
    Elle hoquetait. Euphrosine s’octroya une bonne rasade de malaga et, s’asseyant à son tour, rapprocha sa chaise.
    — Vous êtes à ramasser à la cuiller. Sacré Alphonse ! Micheline Ballu réussit à se contrôler.
    — Ce matin, deux militaires m’ont posé des

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