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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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semblable à l’ Olympia sensuelle et pudique de Manet. L’expression de son visage paraissait empreinte d’ironie et le bras légèrement flou sur lequel s’appuyait sa tête suggérait une invite.
    Pourquoi chérissait-il cette femme entre toutes ? Certes, elle était belle et leurs corps s’accordaient avec délices. Mais selon lui, il était impensable que la passion se résumât à ce que Chamfort avait décrit comme « le contact de deux épidermes ». De quelle mystérieuse alchimie était-elle l’aboutissement ?
    Une association d’idées lui remit en mémoire les mots tronqués, recopiés d’après le livre miniature d’Alexandrine Piote. « Une formule quelconque », avait avancé le professeur Mendole. Un médicament ? Un onguent ? Une pommade de Jouvence ? Une drogue ? Il passa dans la chambre à coucher.
    Son carnet ouvert devant lui, il éplucha le vieux codex pharmaceutique posé sur un rayonnage de la brbliothèque.
    — C innamome  : arbrisseau originaire des régions chaudes de l’Asie. Myrrhe  : gomme résine aromatique fournie par le balsamier. Nard : plante herbacée exotique… Qu’y a-t-il encore ? Aloès…
    La survenue du facteur interrompit ses recherches. Celui-ci lui remit le courrier et L’Illustration , une revue hebdomadaire à laquelle Tasha et lui étaient abonnés. Il ne résista pas à l’envie de la parcourir et lut un démenti formel de la prétendue évasion du capitaine Dreyfus, toujours relégué à l’île du Diable. M. Émile Chautemps, ex-ministre des Colonies, faisait savoir à l’opinion publique que le condamné, désormais enchaîné, était spécialement gardé par un sous-officier qui, un revolver chargé au ceinturon, avait ordre de lui brûler la cervelle à la moindre tentative de fuite.
    — Charmant, grommela-t-il.
    Un coup d’œil à sa montre le contraignit à fermer revue et codex, Euphrosine n’allait pas tarder, aussi était-il prudent de quitter l’appartement sur l’heure, tant pis si la séance de cinématographe de Georges Méliès ne débutait qu’à midi et demi.
    « Il faudra soumettre cette liste à M. Chaudrey, l’apothicaire. Peut-être en tirera-t-il une hypothèse cohérente ? »
    Pendant qu’il rangeait son matériel, il se remémorait ja suite des faits qui les avaient conduits la veille, Joseph et lui, au terrain de la propriété de la rue Corvirsart. Il se reprocha sa pusillanimité.
    « Je flotte constamment entre deux impressions contraires. Alexandrine Piote s’est-elle suicidée ou est-ce un meurtre déguisé ? Il me faut une certitude. Nous continuons l’enquête. »
    Dès la fin des projections au théâtre Robert-Houdin, il ferait un saut à la librairie afin de remettre Joseph en selle.
     
    Riche idée qu’avait eue la cliente, au téléphone, d’être la proie d’une angine ! Cela permit à Joseph de se plaindre à son beau-père d’un mal similaire, un virus, sans doute, et d’être exempté de travail à partir de quatre heures.
    « Pauvre Mme Kherson, les cataplasmes, c’est douloureux… Si elle croit que je n’ai pas reconnu sa voix ! Grâce à elle, je vais organiser mon expédition piano et sano  », pensait Joseph en fonçant rue Visconti. Par bonheur, Euphrosine initiait Mélie Bellac au nain jaune dans l’ancien appartement de Victor, rue des Saints-Pères.
    — Surtout, pas un mot à maman, elle serait capable de renoncer à son jeu pour me préparer du lait de poule et de la farine de moutarde, avait-il recommandé à Kenji.
     
    Joseph avait conservé la jouissance de la caverne aux trésors de son défunt père, bouquiniste quai Voltaire. Elle se trouvait à l’intérieur d’une cour pavée où des écuries, attribuées jadis aux carrosses, avaient été reconverties en remises. Cette tour d’ivoire donnait sur les deux pièces-cuisine du rez-de-chaussée où dorénavant sa mère habitait seule.
    Selon un rituel immuable, Joseph caressa du bout des doigts la photo punaisée à la cloison. Un bouquiniste rondouillard le regardait en souriant, adossé au parapet.
    — Bonjour, papa ! Comment ça va, là-haut ? J’ai une sacrée nouvelle, tu vas encore être grand-père, sois vigilant, éloigne de moi les embûches, parce que j’ai besoin de protection, surtout ce soir.
    Puis il employa un long moment à rassembler son attirail d’explorateur et, après avoir vainement traqué sa lampe de Ruhmkorff, se rabattit sur des bougies et des allumettes. Il

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