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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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lugubre bâtisse qui avait englouti et digéré ses occupants successifs. Les fantômes reprenaient à présent possession des lieux où l’irruption d’un intrus les avait tirés d’un monde parallèle. Il y avait là quelque chose de surnaturel, les pulsations précipitées de son sang en témoignaient. L’esprit d’un trépassé rôdait. Les fenêtres refusaient de s’ouvrir, et, tapie au pied de l’escalier, l’attendait une créature infernale, émanation du rite vaudou.
    Joseph était incapable d’aspirer une goulée d’air. Grimper ? Les genoux flageolants, il allait s’y résoudre lorsqu’il comprit que c’était un choix déplorable. En effet, les raclements répétitifs provenaient justement du palier supérieur.
    La proximité du danger le libéra de sa léthargie. Il se propulsa doucement et dressa la tête. Un importun se baladait, là-haut. S’il s’agissait d’un revenant, il avait dû chausser des bottes de scaphandrier.
    Une lueur nimbée d’un halo orangé illumina furtivement l’étage, Joseph souffla aussitôt sa bougie et se rabattit dans le domaine des arachnides. Quelqu’un descendait en sifflotant. Joseph connaissait cette mélodie, une berceuse que sa mère lui ressassait chaque soir sans réaliser qu’elle faisait naître en lui un sentiment d’effroi. Impossible de se rappeler les paroles.
    Grincement, toussotements, claquement de porte.
    Joseph courut vers l’un des volets déglingués de la chambre à la tenture. Une silhouette floue se profila sous un bouquet de noisetiers et disparut.
    Sans se soucier de la solidité des marches, Joseph les dévala quatre à quatre. La sueur lui dégoulinait sur les yeux, il préférait ne pas penser à ce qui le guettait dehors et se serait lové dans un buisson s’il n’avait trébuché contre un obstacle. Il roula comme un sac de farine. Quand sa course prit fin, il était sonné. Il se ressaisit, repêcha sa bougie et ses allumettes au fond d’une poche. Une issue s’offrait à lui.
    — La cave ? Ah, fichtre non ! Ça doit être plein de cafards et de rats. Tu ferais mieux de poursuivre ce type !
    Mais l’inconnu aux souliers de plomb était loin, et le chercheur qu’était Joseph eût été un piètre exemple pour les générations à venir s’il avait négligé une grotte où s’épanouissaient peut-être des cristaux géants dignes du professeur Lindenbrock 27 . Il largua les amarres en se récitant à mi-voix :
    « Voilà les terrains primitifs ! Nous sommes dans la bonne voie, marchons ! Marchons 28  ! »
    L’escalier taillé dans la pierre procurait une stabilité garantie. Vingt-quatre marches séparaient le rez-de-chaussée du sous-sol. Les exhalaisons qui frappèrent cette fois ses narines émanaient d’un charnier en putréfaction.
    — Leurs cabinets d’aisances sont-ils bouchés ? Ou serait-ce le garde-manger d’une mygale colossale ? Courage, imagine tes lecteurs captivés par tes aventures, oublieux de leurs tracas, aveugles au monde qui les entoure. Nourris-toi d’expériences vécues, juste un petit coup d’œil et tu déguerpis.
    Il s’approcha d’un renfoncement ménagé dans un mur, une sorte de niche peuplée d’objets étranges.
    — Ce sont des animistes qui crèchent ici ! On dirait des reliques de sorcier… Ça fouette ! Des poupées ?… Non…
    Il abaissa sa bougie, faillit la lâcher, poussa un cri d’ horreur.
    Il s’écarta vivement et eut toutes les peines à s’emparer de son calepin et à y noter d’une écriture tremblée :
    Six mains de dimensions variées. Un pied avec le gros orteil manquant, des animaux, chiens, chats, à moitié emmaillotés de bandelettes, et…
    — Jésus-Marie-Joseph, maman, au secours ! … un cadavre de mouton desséché…
    Un hoquet le plia en deux. Il crut qu’il allait vomir son en-cas, quand il vit un reflet doré sous la niche. Sa main se posa sur une matière dure coincée entre deux briques. Il ramena un colifichet en métal, légèrement bombé, muni d’un minuscule anneau au revers, cela ressemblait à un bouton d’uniforme. Une inscription en relief se détachait : « Régiment colonial d’infanterie. » La pensée d’Alphonse Ballu lui traversa l’esprit. Alphonse Ballu mêlé à cette affaire
    L’émoi que soulevait cette hypothèse coupa net sa nausée. Insensible aux piqûres de cire brûlante, il escalada les degrés, mû par une idée fixe, se remplir les poumons d’oxygène.
    En nage, exténué,

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