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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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à la recoucher en disant à la malade :
    â€” Il est préférable de vous descendre à l’infirmerie. Vous serez infiniment mieux dans un lit capable de vous maintenir en position assise, dans une pièce plus aérée que celle-ci.
    L’homme prit une serviette dans une cuvette placée sur une table de chevet, essuya un peu le front luisant de sueur. Elle avait entendu la même recommandation deux jours plus tôt, pour voir le souffle du patient s’éteindre peu après.
    â€” Je vais aller rejoindre Jésus.
    La voix rappelait étrangement celle d’une toute petite fille. Charles pensa à Estelle, qui avait tenu sa main jusqu’à l’école des ursulines, un peu plus tôt ce matin-là.
    â€” Vous le rejoindrez certainement un jour. Mais nous allons tous les deux faire notre possible pour que ce soit dans cinquante, ou même soixante ans, n’est-ce pas?
    Elle acquiesça d’un petit signe de tête en fermant les yeux. Le médecin prit sa main dans les siennes, remarqua les ongles violacés. Le sang ne circulait plus très bien dans son corps. Un moment plus tard, dans le couloir, il indiqua à mi-voix :
    â€” Ses poumons sont atteints. Descendez-la maintenant, laissez-la assise. Malgré sa maigreur, elle paraît de bonne constitution. Avec un peu de chance…
    Â«Â Un médecin ne devrait jamais invoquer la chance, mais la qualité de son traitement », songea-t-il en secouant la tête. Les mots de la directrice lui revenaient en mémoire. Une fois dans cet état, le malade semblait aussi susceptible de reprendre du mieux que de sombrer dans la mort. La religieuse se livrait sans doute à la même réflexion :
    â€” Nous sommes tous entre les mains de Dieu. Que sa volonté soit faite.
    Elle sembla secouer son pessimisme, reprit d’une voix mieux assurée :
    â€” Nous suivrons vos indications, bien sûr. Merci, docteur.
    Elle le laissa retrouver seul son chemin vers la sortie.
    * * *
    Le souvenir de la petite religieuse ne lui sortait pas de la tête. Vingt ans à peine! Son trouble demeurait si profond qu’il ne trouva pas le courage de retourner à son cabinet. Abandonnant ses patients à son beau-père – une faute pour laquelle il lui présenterait de plates excuses en soirée –, il prit à droite dans la côte du Palais afin de regagner la Basse-Ville. Dans la rue Saint-Paul, il porta machinalement ses pas vers le port, désireux de savourer un peu l’air du large.
    Assis sur une bitte d’amarrage, il profita longuement de la vue offerte sur le fleuve, entre deux coques rouillées de navires au mouillage. À quelques milles, l’île d’Orléans offrait ses côtes verdoyantes aux regards. Le soleil lui chauffait le dos à travers sa veste, un présent de l’été finissant. Le médecin arrivait tout juste à retrouver la contenance nécessaire pour regagner son cabinet quand un groupe de marins passa à sa portée. L’un d’eux fut pris d’une quinte de toux. L’homme reprenait à peine son souffle qu’un autre se plia en deux pour la même raison.
    Â«Â Les germes ne voyagent pas qu’en train », maugréa Charles en quittant son siège improvisé.
    Il marcha vers une guérite où un planton devait surveiller les allées et venues des matelots et des débardeurs. Les quais demeuraient un lieu propice à différents commerces illicites; ce maigre effort de surveillance ne les ferait pas disparaître. Le gros homme de faction, affalé sur une chaise branlante, faisait entendre une respiration sifflante. Son état laissait présager que toutes les poursuites tourneraient à l’avantage des contrebandiers.
    â€” Je viens d’entendre un homme tousser…
    â€” Avertissez tous les journaux. La nouvelle intéressera sûrement les lecteurs limités aux rumeurs d’un armistice prochain depuis deux semaines.
    Hamelin ne put réprimer un sourire devant le sens de la repartie du bonhomme. Il affecta néanmoins une certaine sévérité en continuant :
    â€” Je suis médecin. Savez-vous qu’il existe une loi sur la quarantaine dans les ports? Quand tout le monde tousse sur un navire, il convient de poser des questions et, si nécessaire, de prendre des mesures pour prévenir la contagion.
    Les

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