Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
donna la peine de préparer une théière de thé frais. Au moment de s’asseoir sur la chaise en face de son compagnon, elle déclara, un peu amusée :
    â€” Cela n’ira pas, avec ce masque.
    â€” Alors, enlève-le.
    Comme elle hésitait, Fernand insista :
    â€” Je ne tousse plus, tu portes des gants de coton, nous sommes tous les deux de part et d’autre de ce guéridon. Nous ne risquons pas de nous contaminer l’un l’autre.
    Surtout, malgré la prudence affichée, l’homme considérait que la promiscuité des derniers jours l’avait exposée à la contagion. Si Jeanne, tout comme ses parents, les enfants ou Eugénie, se trouvaient toujours en bonne santé, cela tenait à leur bonne étoile ou à une quelconque protection divine.
    Ã€ la fin, la jeune femme se cala dans sa chaise afin de s’éloigner encore un peu plus de la source d’infection, puis elle décrocha les deux boucles de ruban de ses oreilles, pour laisser tomber le masque sur sa poitrine.
    â€” J’avais presque complètement oublié combien tu es jolie, constata Fernand.
    Cette fois, le rose marqua ses joues sans qu’elle puisse le dissimuler. Elle s’empara de sa tasse de thé pour en prendre une gorgée et retrouver sa contenance.
    â€” Tout à l’heure, je vais prendre un bain, continua le convalescent. L’eau chaude me fera certainement le plus grand bien. Tu voudras bien m’aider?
    Elle s’imagina un instant en train de lui laver le dos… ou d’autres parties plus compromettantes de son anatomie. Il lui adressa un sourire amusé avant de continuer :
    â€” Je veux dire pour le remplir, régler la température, des choses comme cela. Pour le reste, je peux me débrouiller.
    Ses yeux exprimaient un amusement croissant, comme si sa pudibonderie s’estompait en même temps que les symptômes de la grippe.
    â€” Et c’est bien dommage, conclut-il.
    * * *
    Le magasin ALFRED demeurait désert depuis le matin. La mise à pied temporaire des deux vendeuses ne risquait guère de nuire aux affaires. La situation rendait Marie songeuse.
    â€” Nous pourrions aussi bien fermer tout à fait, jusqu’à ce que les choses rentrent dans l’ordre, grommela-t-elle.
    Françoise et elle étaient installées devant le comptoir, sur des chaises apportées de la salle de repos située au fond de la boutique. Les derniers jours avaient permis de tout récurer, de mettre de l’ordre dans les mouchoirs, les rubans et les dentelles. Chacun des atomes de poussière avait fait l’objet d’une chasse impitoyable pendant une journée entière.
    â€” Ce serait tout aussi bien, répondit Thalie.
    La jeune fille était juchée sur un tabouret derrière le comptoir, la copie du matin du Soleil ouverte devant elle.
    â€” Il semble que douze mille citoyens soient touchés par la maladie. Compte tenu de la population de la ville, cela signifie au moins une personne sur huit, peut-être même sur sept. C’est très sérieux.
    â€” Heureusement que nous ne sommes que cinq dans l’appartement, remarqua Françoise.
    Son humour sonnait faux. Tous les deux jours, son père téléphonait à Rivière-du-Loup afin de se rassurer sur l’état de santé d’Amélie et, tout de suite après, il contactait son aînée pour l’informer de la situation.
    â€” Cela ne peut tout de même pas aller sans cesse en augmentant, plaida Marie en regardant sa fille. La grippe ne touche jamais tout le monde.
    â€” Les journaux donnent le nombre des nouveaux cas tous les jours : ils sont en croissance régulière. Personne ne sait quand la maladie cessera de progresser.
    Des souvenirs de lecture venaient à l’étudiante en médecine, les récits de villes victimes de la peste ou du choléra. Cette dernière affection avait touché Québec en 1832. Mais des épidémies avaient encore semé la mort moins de quarante ans plus tôt. Un intérêt un peu morbide l’amena à commenter encore :
    â€” Le nombre de décès attribué à la grippe atteint maintenant cent quatre-vingts, toujours pour notre ville. Selon les entrepreneurs de pompes funèbres, depuis dix jours, leur clientèle tient essentiellement à cette maladie.
    Un long silence accueillit

Weitere Kostenlose Bücher