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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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fumée bleue et une pétarade de moteur emballé.
    Soucieux, Édouard demanda à l’employé en arrivant à sa hauteur :
    â€” Que se passe-t-il?
    â€” Monsieur Picard, dommage que vous ne soyez pas arrivé plus tôt. Vous auriez pu le conduire à la maison.
    â€” Qu’est-il arrivé?
    â€” Cette horrible grippe. Vous savez combien il est fort… Tous ces derniers jours, il est venu travailler.
    Ã‰douard écarquilla les yeux, déclara, fort surpris :
    â€” Mais je l’ai vu ce matin, il me semblait tousser un peu moins.
    â€” Cet après-midi, cela n’allait plus du tout. Je l’ai trouvé derrière son bureau tout à l’heure, incapable de reprendre son souffle.
    Pour exprimer son désarroi, l’employé secouait la tête. Puis il réintégra le commerce sans rien ajouter. Un moment, le fils Picard songea se rendre au Club de réforme seul. À la fin, inquiet, il décida de rentrer plutôt à la maison pour se reposer. Après tout le temps passé avec son collègue récemment, il risquait fort d’avoir attrapé cette damnée infection.

14
    Le pronostic du docteur Caron se montra exact : au troisième jour de sa grippe, la toux de Fernand se calma, de même que la douleur à la base du crâne, dans les épaules et dans les bras. Sa grande fatigue relâcha un peu son emprise. Puis, le vendredi 11 octobre marqua son passage de la maladie à la convalescence. Cela lui valut un léger changement de tenue. Au lieu de passer sa journée en pyjama, sous les couvertures, il endossa son peignoir dès le matin pour s’asseoir sur celles-ci, le dos soutenu par un amoncellement d’oreillers.
    Jeanne le trouva dans cette posture au moment de lui monter son petit déjeuner. Son masque lui conférait toujours un air étrange, celui d’une combattante engagée dans une guerre sans merci.
    â€” Monsieur, cela ne me semble pas bien prudent. Elle voulait dire abandonner la position horizontale.
    â€” Selon le médecin, je vais beaucoup mieux. Vous l’avez entendu hier soir. Je dois bien faire un effort pour donner raison à ce pauvre homme.
    â€” Il a aussi dit de vous reposer, de ne pas reprendre vos activités avant une autre semaine.
    â€” Alors je ne toucherai pas à un contrat ou à un testament, avant vendredi prochain, juré, craché. Ce sera le 18, je crois. D’ici là, je ne resterai pas sous les couvertures toute la journée.
    L’homme marqua une pause, puis il ajouta :
    â€” Je ne vais même pas garder le lit pour manger.
    Un fauteuil se trouvait placé près de la fenêtre. Il se leva avec précaution.
    â€” Attendez que je vous aide.
    Le plateau, tenu à la hauteur de la poitrine, l’avait encombrée pendant tout leur échange.
    â€” Pose-le sur le lit et approche le petit guéridon.
    D’un pas incertain, l’homme se rendit à son siège. Un moment plus tard, son repas devant lui, il leva des yeux désolés en plaidant :
    â€” Tu sais, je commencerai à aller vraiment mieux le jour où j’aurai droit à des aliments destinés à des humains. L’avoine, c’est pour les chevaux.
    â€” Mieux vaut manger léger. Vous êtes encore faible.
    â€” Je demeurerai faible aussi longtemps que je mangerai du gruau.
    La domestique lui adressa un petit sourire, perdu dans son masque, puis elle céda :
    â€” Tout de même, faites un effort pour en avaler un peu. Pendant ce temps, je vais aller vous chercher un morceau de fromage et deux toasts.
    â€” Tu es une bonne fille. Remonte avec le journal. J’aimerais savoir ce qui se passe du côté des vivants.
    Jeanne allait ouvrir la porte quand il ajouta, soudainement préoccupé :
    â€” Personne d’autre n’a été affecté par cette vilaine grippe, dans la maison?
    â€” Non. Je trouve d’ailleurs cela curieux. Les journaux insistent tellement sur la contagion…
    â€” Les enfants?
    â€” Pas la moindre petite toux. Ils sont en train de rendre folle votre vieille nounou. Vos parents vont bien aussi. Comme je n’ai plus eu aucun contact avec eux depuis le jour de la mort de mon frère, sauf au moment de mon retour, je suppose que cela a suffi à enrayer le passage des microbes. Ou alors, c’est un miracle.
    Le mot microbe sonnait curieusement dans la

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