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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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sans doute me reposer un peu plus.
    â€” Tu ne peux pas dormir parmi les malades, tout de même.
    La voix de son épouse trahissait une émotion nouvelle, proche du désespoir.
    â€” Il serait possible de placer un lit dans le bureau de la directrice.
    â€” Alors je ne te verrai plus du tout. As-tu pensé aux enfants?
    Â«Â Je ne pense qu’à eux », eut-il envie de dire. Sa femme, son garçon et sa fille se terraient dans la maison. Ils n’effectuaient que les sorties rigoureusement nécessaires, toujours affublés de masques et de gants, pour éviter la contamination. D’un autre côté, lui se trouvait dans les pires foyers d’infection. Toutes les précautions de ses proches ne servaient à rien aussi longtemps qu’il transporterait les germes à la maison tous les soirs.
    Ã€ la fin, il ajouta dans un souffle :
    â€” Cela ne durera pas éternellement. Dès que l’épidémie connaîtra un reflux, je te le jure sur la tête de ce que j’ai de plus cher, nous irons tous les deux nous cacher ensemble dans un coin perdu afin de passer plusieurs jours en tête-à-tête.
    â€” … D’ici ces jours bénis, il ne me reste que quelques heures avec toi. Viens dormir. Je tenterai de me retenir de pleurer jusqu’à demain.
    Avec difficulté, elle réussirait à conserver sa contenance pendant tout ce temps.

16
    Le mardi 15 octobre, les membres de la famille Picard descendirent de la Buick afin de participer à la veillée funèbre. Le maire Henri Lavigueur demeurait au 610 de la rue Saint-Jean, dans une grande maison un peu biscornue.
    â€” Louis n’habitait plus ici, remarqua Évelyne en rejoignant son mari sur le trottoir.
    â€” Non, au moment de son mariage, l’an dernier, il a acheté une petite maison située un peu plus à l’ouest.
    â€” Alors pourquoi exposer son corps ici?
    â€” C’est le fils du premier citoyen de la ville. Il y aura foule. Son logis n’aurait pu accueillir tout le monde.
    Thomas et Élisabeth atteignirent l’entrée les premiers, le jeune couple sur les talons. Édouard avait raison : la porte s’ouvrit sur un couloir encombré de personnes empestant l’odeur de la pipe, du cigare et de la cigarette. Tous les collègues du maire, dans le domaine des affaires comme dans celui de la politique, désiraient lui témoigner leur solidarité. Puis, tous ceux qui avaient obtenu une faveur ou qui entendaient en solliciter une, tenaient à se faire voir de lui. En conséquence, des centaines de concitoyens passeraient encore en ces lieux avant la tenue des funérailles, prévues le lendemain.
    Le défunt reposait dans la première pièce s’ouvrant sur la gauche. Un énorme cercueil de chêne, le couvercle ouvert, révélait un homme robuste, à la beauté virile, le genre d’individu susceptible de vivre cent ans. Depuis le début de l’épidémie, la population s’étonnait de voir les plus forts succomber souvent, tandis que de plus faibles échappaient totalement à la contagion ou se remettaient de l’influenza sans éprouver la moindre complication.
    Le quatuor de nouveaux venus s’immobilisa un long moment devant le cadavre, les deux femmes à genoux sur les prie-Dieu placés là, les hommes debout un pas derrière, un masque recueilli sur le visage.
    Ensuite, Thomas se présenta le premier devant la famille éplorée, si nombreuse qu’elle longeait tout un mur de la pièce. La jeune veuve, toute de noir vêtue, recroquevillée sur elle-même sur une chaise, répondit à peine au moment où il lui offrit ses sympathies. Mal à l’aise devant une douleur aussi nue, il se déplaça vers la gauche, pour tendre la main à son collègue.
    â€” Henri, je suis si profondément désolé. Je sais combien tu étais près de Louis.
    L’homme accepta la main tendue, confia :
    â€” Un aîné, c’est un peu un autre soi-même. On l’imagine occupant notre place un jour.
    Le commerçant approuva d’un signe de tête, puis ils échangèrent un long regard.
    â€” Je te comprends très bien.
    Pendant ce temps, assise sur ses talons comme devant un enfant attristé, Élisabeth tenait les deux mains de la veuve, murmurait des paroles imperceptibles aux témoins de la

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