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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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sein. Les doigts apprécièrent la rondeur, exercèrent une légère pression sur la pointe devenue turgide. Au même moment, de la main droite, il saisit son menton, tourna son visage à demi, chercha sa bouche avec la sienne.
    Quatre ans plus tôt, ses premiers contacts intimes avec Eugénie avaient été fébriles et très maladroits. Ce soir, une grande sérénité l’habitait. Depuis quatre ans, la domestique s’affichait comme sa meilleure, plutôt sa seule amie. Au fil des mois, jamais ses yeux ne lui avaient reproché d’être trop gros ou chauve. Quand sa bouche atteignit l’autre bouche, il la trouva douce, déjà entrouverte. Caresser les lèvres de sa langue lui parut la chose la plus naturelle du monde. Il effleura les dents un moment, toucha bientôt l’autre langue, reconnut le goût sucré du sherry.
    Après quelques secondes de ce contact, l’homme s’éloigna un peu, regretta de ne pouvoir contempler les grands yeux bruns à sa guise, à cause de l’obscurité.
    â€” Je suis amoureux de toi, Jeanne.
    Plutôt que de protester, la jeune femme approcha ses lèvres un peu entrouvertes, chercha les siennes, lança sa langue à l’aventure. En se reculant après un moment, elle murmura :
    â€” Nous ne pouvons pas…
    â€” Je ne veux plus accepter d’être malheureux. J’aurais pu mourir, il y a quelques jours, sans jamais te dire que je t’aimais. Tu imagines le gâchis?
    â€” Mais c’est impossible. Vous êtes marié…
    â€” Tu as mon mariage sous les yeux tous les jours. Tu y crois, toi?
    Personne, dans la maison, ne se méprenait sur la vraie nature de cette union. Aucun veuvage n’était plus cruel que cette comédie conjugale.
    â€” Je ne sais pas… Je suis toute mêlée. Il vaut mieux que je monte tout de suite.
    Elle posa le verre sur la table. Ce soir, elle ne prendrait pas la peine de le laver. Les jambes un peu flageolantes, elle se dirigea vers le couloir, s’engagea dans l’escalier. Au moment de mettre le pied sur la troisième marche, elle sentit la main de l’homme prendre la sienne, la forcer à s’arrêter, à se tourner vers lui. Fernand encercla le corps de son bras, posa sa lourde tête entre ses seins sans prononcer un mot. Elle parcourut la couronne de ses cheveux de ses mains, embrassa doucement le front dégarni.
    Avant de la libérer, son compagnon laissa glisser ses mains de la taille aux fesses, palpa doucement les globes jumeaux. En poursuivant son chemin jusqu’à sa chambre, sous les combles, Jeanne dut poser une main sur la rampe d’escalier.
    * * *
    Le lendemain matin, un silence un peu lourd régnait dans la maison de la rue Dorion. Élise n’arrivait plus à dissimuler son inquiétude. Son visage morose déteignait sur celui des deux enfants. En fin de matinée, ils se tenaient l’un près de l’autre dans le salon, assis sur le canapé.
    â€” Je n’ai pas vu papa depuis longtemps, murmura Estelle.
    Ã‚gée de huit ans maintenant, elle offrait une mine sérieuse, inquiète, même. Ses longs cheveux bruns s’ornaient de rubans rouges, de longues boucles savamment produites grâce au fer à friser maternel. Ces derniers jours, l’habiller et la coiffer meublaient les trop longs loisirs de la pauvre Élise.
    â€” Tu sais bien qu’il soigne des malades, répondit cette dernière, affalée dans un fauteuil.
    â€” Si j’étais malade, intervint Pierre, il reviendrait à la maison.
    Autant sa sœur acceptait de servir de poupée pour tromper l’impatience de sa mère, autant lui cultivait un air débraillé.
    â€” Ne dis pas cela, s’inquiéta Élise, n’y pense même pas.
    Pour éviter de se répandre en pleurs devant eux, elle quitta la pièce, se réfugia dans sa chambre un long moment. Un peu plus tard, elle passa dans la cuisine pour se pendre au téléphone pendant une minute ou deux. À son retour dans le salon, elle trouva ses enfants exactement dans la même position.
    â€” Cela vous dirait de voir grand-maman?
    L’absence de toute réaction témoignait d’un enthousiasme fort limité.
    â€” Elle va venir vous tenir compagnie pendant une heure, peut-être deux.
    â€” Tu vas sortir? demanda Pierre, soucieux d’en

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