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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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d’une toux cruelle.
    â€” Rentre chez nous ce soir, insista Élise. Estelle et Pierre s’ennuient terriblement.
    â€” Bientôt. Aussi vite que je le pourrai.
    Des larmes s’échappèrent des yeux de la femme, se perdirent sous le masque de coton. Elle fit le geste de s’approcher de lui, il leva la main pour l’arrêter.
    â€” Il vaut mieux éviter les contacts. Je dois être couvert de germes.
    Sa compagne demeura interdite, puis elle se retourna en murmurant :
    â€” Si tu tardes trop, ils ne te reconnaîtront plus.
    Elle sortit d’un pas rapide, en pleurs. Afin de se donner le temps de reprendre sa contenance, elle décida de rentrer à la maison à pied.
    * * *
    Le lendemain, 20 octobre, Marie et Françoise se dirigeaient vers la cathédrale à l’heure de la messe basse. Gertrude préférait demeurer devant ses fourneaux. Certains jours de mauvais temps, sa jambe folle la faisait souffrir au point de la convaincre d’éviter soigneusement les escaliers.
    Elles trouvèrent les portes closes. Sur les grands panneaux de bois, une affiche annonçait la suspension de toutes les cérémonies religieuses, excepté les baptêmes et les funérailles, sur l’ordre du Bureau de la santé de la province.
    â€” C’était prévisible, commenta une voix masculine derrière elles.
    â€” Commet cela? demanda Marie en se retournant.
    â€” Si tout le monde se présente à la messe basse, les risques de contagion deviennent aussi élevés qu’à la grand-messe. Le gouvernement n’avait plus d’autre choix.
    Marie accepta le bras de Paul Dubuc, remarqua encore, en se mettant en route vers son domicile :
    â€” Tu savais donc que la cathédrale serait fermée. Pourquoi être venu jusqu’ici?
    â€” Pour te voir. Comme tout ce monde, tu étais condamnée à venir te cogner le nez à une porte close. La décision a été prise tard, hier soir. Il n’existait aucun moyen de faire connaître la nouvelle. À la nuit tombée, l’usage de voitures avec des haut-parleurs aurait soulevé la colère.
    Les uns après les autres, les paroissiens venaient lire la grande affiche calligraphiée à la main, avant de rentrer chez eux.
    â€” Et, continuait Dubuc, pour être tout à fait honnête, j’espérais recevoir une invitation à déjeuner… en plus de l’invitation à dîner.
    â€” Si tu continues d’être aussi aimable, je veux bien te recevoir à tous les repas.
    En s’engageant dans la rue de la Fabrique, le député passa son bras gauche autour de la taille de sa fille, lui demanda avec sollicitude :
    â€” Tu vas bien? Je te trouve les traits un peu tirés.
    â€” Cela doit tenir à l’inaction… Les journées passent lentement depuis la fermeture de la boutique.
    â€” Tu prends bien soin de toi, j’espère.
    Elle hocha la tête, sans lever les yeux vers lui.
    Gertrude ne montra aucune surprise à les voir revenir aussi tôt. Le déjeuner se déroula lentement, au gré des commentaires sur la politique européenne. Ils se levèrent de table après neuf heures, pour se réfugier dans le petit salon. Le bruit de la cloche, dans la cathédrale voisine, attira bientôt leur attention. Penchés à la fenêtre surplombant la rue, ils virent une procession sortir par les grandes portes du temple.
    â€” Une procession du saint sacrement en cette saison? interrogea Marie à haute voix.
    â€” Comme le bon peuple ne peut pas se rendre à Dieu, Dieu se rend auprès de lui. Voilà la trouvaille de M gr Bégin : le saint sacrement parcourra les rues de la paroisse Notre-Dame. Les curés feront la même chose dans Saint-Roch, Saint-Sauveur, Jacques-Cartier… Enfin, partout.
    â€” Ce n’est tout de même pas notre vieux cardinal qui arpente les rues par ce temps de chien.
    â€” Non, regarde, il s’agit de M gr Marois. Il a sans doute revêtu deux paires de caleçons afin de se tenir au chaud.
    Paul Dubuc contempla la courte procession, composée d’un enfant de chœur secouant un ostensoir à la volée, du prélat sous un dais porté par des marguilliers, des deux vicaires et d’un petit peloton d’étudiants en théologie du Grand Séminaire. Elle dépassait l’hôtel de ville quand

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