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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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couvait des yeux, attentive au moindre signe de rechute.
    Le vendredi 18 octobre, deux jours après les funérailles du jeune Lavigueur, la domestique le rejoignit dans le salon en fin de soirée. Elle entra dans la pièce sans faire le moindre bruit, pour venir se tenir à ses côtés près de la fenêtre.
    â€” Sans l’éclairage des rues, on ne verrait absolument rien, ce soir, murmura-t-elle.
    â€” Le ciel me semble avoir été couvert pendant tout un mois.
    Malgré tout, la clarté blafarde des lampadaires pénétrait dans la pièce. Il la regarda un moment, puis proposa :
    â€” Je te sers la petite gâterie habituelle?
    â€” Vous pouvez même forcer un peu la dose. Les journaux parlent de la paix et, surtout, la conscription est terminée. J’ai le cœur à la fête.
    Fernand posa la main sur l’épaule de la jeune femme avant de préciser dans un murmure :
    â€” Je suis désolé, ce n’est pas tout à fait cela. Le gouvernement arrête d’appeler les conscrits, c’est-à-dire les jeunes hommes qui chaque jour célèbrent leur vingt ans et rejoignent ainsi la liste des appelés. Mais les personnes recrutées avant aujourd’hui ne peuvent pas quitter l’armée.
    â€” Vous voulez dire que mon frère peut encore être expédié en Europe?
    â€” Non, pas vraiment. Les convois sont interrompus à cause de l’épidémie. Et même si on le mettait sur un navire, la guerre serait terminée avant son arrivée sur les champs de bataille.
    Elle s’accrochait à cet espoir depuis des semaines. La dernière lettre d’Arthur évoquait la reprise de son entraînement.
    Sur son épaule, la main de son employeur esquissa une caresse, glissa vers le cou, en effleura toute la longueur. La légèreté du contact, de la part d’un individu de sa taille, la troubla. À la fin, l’homme s’éloigna pour se diriger vers le petit cabinet à boisson. Elle regagna sa place, accepta le verre directement de sa main, prolongea l’effleurement des doigts plus longtemps que nécessaire.
    Au lieu de s’asseoir sur son fauteuil, Fernand prit place sur le canapé, à ses côtés.
    â€” Eugénie ne te fait pas la vie trop dure? demanda-t-il.
    â€” Pas plus que d’habitude. Elle s’enferme dans sa chambre ou dans le petit salon voisin…
    â€” La grippe lui fournit un prétexte pour se couper encore plus de nous.
    L’homme voulait dire de ses parents, de ses enfants, de lui-même.
    â€” Elle exige que je porte des gants et un masque pour entrer chez elle, précisa la domestique.
    Elle reprenait la façon dont Eugénie désignait les deux petites pièces. Cela témoignait bien du désir de l’épouse de couper les liens avec le reste de la maisonnée. Dans la ville, elle serait sans doute la seule à regretter la fin de l’épidémie, car elle n’aurait plus de prétexte pour s’isoler.
    Jeanne se tenait un peu inclinée vers l’avant, son verre de cristal à la main. Fernand tendit les doigts en hésitant, laissa courir le bout de ceux-ci le long de la colonne vertébrale, de la base du cou jusqu’à la hauteur des reins. Sous sa dernière phalange, la succession des vertèbres faisait un curieux chapelet. Au moment de remonter sa main, il posa sa paume bien à plat, apprécia l’élasticité chaude de la chair à travers le tissu, poussa la caresse jusque sur le cou, puis la nuque.
    La domestique aspira bruyamment, s’inclina encore, tout en disant :
    â€” Monsieur… Fernand, vous ne devriez pas.
    L’usage du prénom contenait une invitation. Elle ne se dérobait pas, elle ne lui demandait pas d’arrêter. Sa protestation n’en était pas vraiment une : elle rappelait les convenances, tout en lui abandonnant la responsabilité de poursuivre ou de s’interrompre.
    L’homme laissa sa main redescendre, cette fois en parcourant son flanc gauche. Il se tenait à sa droite, tout près, lui sembla-t-elle. Elle ne réalisait pas s’être un peu penchée vers lui, pour ajouter à la proximité.
    La paume s’arrêta sur la hanche, esquissa une caresse circulaire, reprit de nouveau l’ascension de son flanc, cette fois en l’enlaçant suffisamment pour se poser sur son

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