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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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marchand depuis deux ou trois ans. Après vingt ans parmi eux, ses voisins de la Haute-Ville le regardaient encore de haut. Un titre de ce genre riverait leur clou.
    â€” Vous pouvez compter sur moi, murmura Lapointe. Je tenterai de me rendre indispensable au futur premier ministre, il ne me refusera pas cette faveur.
    Pour cela, Thomas devrait aussi se rendre indispensable.
    â€” Allons prier un peu, maintenant.
    Tout au long du chapelet, Lomer Gouin surveilla les deux complices du coin de l’œil. Cette nouvelle alliance ne le servirait guère.
    * * *
    Le lendemain, à neuf heures moins quart, une très longue procession se mit en branle dans la rue Saint-Jean. D’abord, monté sur un cheval noir, le capitaine Émile Trudel ouvrait la marche à la tête d’un détachement de police municipale. Un peloton de pompiers en uniforme venait ensuite. Lourdement décoré, le corbillard de la société Lépine, tiré par quatre chevaux, imposait le respect. Il était suivi de la famille du défunt. Les parents montraient un masque de souffrance stoïque, la jeune veuve dut être portée à demi jusqu’à une voiture de louage. Dans leur sillage, tout le gratin politique emboîtait le pas, suivi d’une importante délégation d’employés provinciaux et municipaux, de même que de tout l’effectif des divers commerces des Lavigueur.
    Les Picard se mêlèrent à la masse des amis et des curieux dans l’interminable procession. Thomas, assis sur la banquette arrière de la Buick, grommela :
    â€” Tout le monde insiste sur la nécessité d’éviter les rassemblements, et voilà toute la population de la ville de Québec en route vers l’église Saint-Jean-Baptiste.
    â€” Tu n’exagères pas un peu?
    â€” Regarde devant nous. La moitié des pompiers se trouve là. Si un incendie éclate…
    Les funérailles influençaient un peu son humeur, lui rappelant chaque fois ses ennuis de santé. Après avoir parcouru la courte distance à la vitesse de l’escargot, ils se trouvèrent dans le vaste temple de pierre érigé au milieu d’un faubourg très prospère. En vertu de l’édit du Bureau d’hygiène de la province, l’entreprise de pompes funèbres n’avait tendu aucun crêpe. Ce petit effort pour éviter les germes changerait peu de choses, avec l’affluence. Le service funéraire fut interrompu régulièrement par des quintes de toux.
    â€” Mets ton foulard sur ton nez, murmura Thomas à l’oreille de son épouse.
    â€” Pardon?
    Du geste, l’homme releva sa propre écharpe de façon à se couvrir tout le bas du visage. Elle fit de même, Édouard et Évelyne aussi. Quatre prêtres officiaient dans le chœur, deux autres murmuraient des messes basses dans chacune des allées latérales. Dans le jubé, la chorale des frères des Écoles chrétiennes touchait les âmes avec leurs voix enfantines angéliques. Les plus belles voix masculines de la ville résonnèrent dans le vaste temple pour le Miserere, le Pie Jesu , le O Moritum et le Jesu Salvator .
    Pendant tout le service, Thomas demeura songeur. La lente résistance du maire, devant l’insistance alarmée de Charles Hamelin pour obtenir des mesures de précaution, coûtait vraisemblablement leur vie à plusieurs habitants de la ville.
    Que son fils Louis figure dans la liste des victimes faisait songer à une expiation.
    * * *
    Fernand se trouvait complètement remis de sa maladie. Toutefois, il bénéficiait de journées supplémentaires de congé, car les clients désertaient son cabinet, à l’exception des personnes désireuses d’ajouter quelques détails à leur testament. Le glas sonnait trop souvent pour permettre d’oublier ce genre de précautions.
    Le vieux notaire Dupire préférait s’occuper lui-même de ces personnes.
    â€” Tu as une jeune famille, répétait-il, tu as déjà été malade. Je préfère prendre tous les risques sur moi.
    Son fils avait beau protester, car il y avait peu de risque qu’il attrape la même maladie une seconde fois en un si court laps de temps, rien n’y faisait. Aussi passait-il ses journées à lire dans son bureau ou à échanger avec ses enfants. Discrètement, Jeanne le

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