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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Les projets à plus long terme de ce jeune travailleur pourraient se trouver déçus, car le retour à la paix entraînerait un ralentissement sérieux de l’économie.
    â€” Est-ce que je peux t’inviter à souper? demanda Jeanne.
    Arthur regarda du côté de l’employeur de sa sœur. Suivant le cours de ses pensées, elle s’empressa de préciser :
    â€” Il y a un restaurant de l’autre côté de la rue.
    Ce ne serait pas chez le notaire. L’idée d’économiser le coût d’un repas sembla sourire à Arthur. Il donna son assentiment d’un signe de la tête. Constatant que le gros homme paraissait désireux de les accompagner, l’ancien militaire conclut que sa première idée n’était pas si étrange.
    * * *
    Même si les manufactures et les ateliers avaient abandonné la production militaire, les produits de consommation courante tardaient à arriver sur les étals du magasin PICARD. Thomas parcourait les rayons, un air un peu navré sur le visage par toutes les possibilités ratées. Dans moins de deux semaines, ce serait Noël. Dans d’autres circonstances, l’affluence des clients l’aurait empêché de se déplacer à son aise dans le commerce.
    â€” Nous devons perdre de l’argent, déclara-t-il en rejoignant Édouard au rez-de-chaussée. Je ne me souviens pas d’une pareille morosité, si proche de la période des fêtes.
    â€” Nous ne perdons pas d’argent, mais nous avons connu de meilleurs jours. D’un autre côté, avec les commandes militaires, les ateliers nous ont procuré des profits considérables jusqu’à tout récemment.
    â€” Je veux bien. Mais les ateliers ne servent pas à subventionner le commerce.
    Les deux hommes se rendirent près des vitrines donnant rue Saint-Joseph. Sur le trottoir, des hommes s’agitaient, de grands panneaux de bois dans les mains.
    â€” Crois-tu vraiment cette précaution nécessaire? interrogea Édouard.
    â€” Tu l’as vu comme moi dans le journal : les policiers, les pompiers et les employés de l’aqueduc se mettent en grève. Je ne veux pas voir des voyous défoncer nos fenêtres.
    â€” Nous ne sommes tout de même pas à New York ou à Chicago.
    Pendant toute la guerre, les prix avaient monté sans cesse, bien plus vite que les salaires. En ce 12 décembre, les employés municipaux cessaient le travail dans l’espoir de voir s’améliorer leur pouvoir d’achat.
    â€” Nous ne sommes peut-être pas à Chicago, mais je me souviens des émeutes de la conscription, de tous les commerces défoncés dans cette rue.
    â€” Maintenant, le peuple n’a aucune raison d’exprimer sa colère.
    â€” Je ne crains pas la colère du peuple, mais des vauriens saisissent ces occasions pour voler ou simplement s’amuser à détruire. Cela ne te rappelle-t-il pas les événements du printemps de 1917?
    L’allusion aux grands désordres de l’année précédente troubla un peu le jeune homme. Il avait monté la garde dans le commerce au moment de la flambée de violence. Bientôt, les ouvriers masquèrent les vitrines avec des panneaux de bois, donnant au grand commerce l’allure d’une sombre caverne.
    â€” Tu le sais, précisa l’entrepreneur, des milliers de personnes ont été libérées de l’armée depuis une semaine. Malgré la prohibition, on les voit errer dans les rues, totalement saouls. Sans aucun policier pour maintenir la paix, ces gars-là peuvent s’amuser à lancer des briques dans les vitrines, juste pour se divertir.
    Ã‰douard revint à leur premier sujet de préoccupation.
    â€” Le ralentissement de l’économie durera-t-il longtemps, selon toi?
    â€” Je suppose que la production civile reprendra vite. Les gens ont accumulé de l’argent pendant la guerre, ils voudront sans doute acheter des meubles, des vêtements…
    â€” Les chômeurs sont de plus en plus nombreux. Il y a six mois, nos ateliers comptaient deux fois plus de monde qu’aujourd’hui.
    â€” C’est pour cela que je souhaite voir la consommation civile suffire à relancer les activités. Dans le cas contraire, nous serons en difficulté.
    Un dernier panneau de contreplaqué obscurcit la fenêtre de

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