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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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politicien ne renonçait pas à son projet de poursuivre sa carrière dans Québec-Est et déjà il cherchait un nouvel appui. Un silence embarrassé suivit ces mots. Heureusement, une jeune femme arriva sur les lieux, leur épargnant la nécessité de chercher un moyen de relancer la conversation.
    â€” Voilà l’infirmière dépêchée par l’Ordre de Victoria, annonça Élisabeth.
    L’uniforme de la nouvelle venue, visible sous son grand paletot bleu, témoignait bien de sa fonction.
    â€” Odile Bouchard, précisa cette dernière.
    Trouver une personne de langue française dans cette organisation tenait du tour de force. Édouard résolut d’envoyer un mot de remerciement pour sa célérité à la religieuse à la tête du petit hôpital, en même temps que son chèque.
    â€” Je ne veux pas vous chasser, enchaîna-t-elle en s’adressant à la ronde, mais il importe de ne pas fatiguer notre malade.
    Ernest Lapointe prit ces mots comme un congé.
    â€” Thomas, je vous souhaite la meilleure des chances et j’espère sincèrement que nous travaillerons ensemble.
    â€” Ce sera un plaisir, répondit son interlocuteur, sans y mettre trop de conviction.
    Le politicien serra encore la main du fils et de l’épouse avant de se retirer. L’infirmière se pencha sur son patient.
    â€” Monsieur Picard, cette banquette se transforme en couchette. Je préférerais vous voir à l’horizontal.
    â€” Vous me le demandez si gentiment, je ne saurais vous dire non.
    â€” Alors si votre fils accepte de m’aider…
    Leurs efforts réunis permirent de débarrasser le malade de son manteau, sous lequel il ne portait qu’un pantalon et une chemise de nuit, avant de le coucher. Édouard sortit ensuite pour rejoindre sa mère.
    â€” J’ai réservé le compartiment à côté. Allons nous y asseoir. Le train partira dans une minute.
    â€” Je te suis.
    Quand le train quitta la gare, les paupières baissées, elle tentait de mettre de l’ordre dans ses pensées.
    * * *
    La garde-malade de l’Ordre de Victoria assurait une présence discrète dans la grande maison de la rue Scott. Sous ses dehors modestes, Odile Bouchard savait donner des ordres. Dès le retour d’Ottawa, elle décréta que le grand escalier représenterait un défi insurmontable pour son patient. Il fallait l’installer au rez-de-chaussée.
    Le petit salon paraissait un choix naturel, la salle d’eau ne se trouvait pas trop loin. Thomas opposa son veto, jugeant néfaste le papier peint de couleur pastel pour un homme dans sa condition. Il proposa plutôt de sortir les fauteuils de la bibliothèque pour y mettre un lit. L’infirmière rétorqua en le fixant dans les yeux :
    â€” Vous n’oseriez pas travailler en cachette?
    L’homme baissa les siens. L’idée lui en était venue.
    â€” Jamais! affirma-t-il en retrouvant sa contenance.
    â€” D’accord pour cette pièce, mais le bureau va sortir et je compte sur votre fils pour enlever tous les documents relatifs à vos affaires.
    Puisqu’elle n’évoquait pas le tabou de la politique, son interlocuteur se considéra comme chanceux. Il approuva d’un signe de la tête. Durant les semaines suivantes, il occupa la grande pièce où, au dire de sa femme, il avait allégrement « brûlé la chandelle par les deux bouts ». Près de la grande fenêtre, le lit d’Édouard au temps de son célibat, tiré du grenier, lui permettait de dormir seize heures par jour. Près du foyer, les deux fauteuils l’autorisaient à recevoir les membres de sa famille, des voisins ou des amis, jamais plus d’une personne à la fois.
    Le plus souvent, excepté Odile Bouchard, il ne voyait que sa femme. Depuis sa grande confession, une fois passé son désarroi premier, Élisabeth demeurait songeuse. Son existence à la fois paisible et confortable, toutes ces dernières années, résultait d’un meurtre. Sans le décès inespéré, que serait-elle devenue?
    La question sans cesse retournée dans son esprit la conduisait à un bien triste constat. En 1897, les portes du monastère des ursulines se fermaient devant elle. L’enseignement élémentaire aussi, malgré son brevet

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