Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
précédente.
    â€” Vous m’excuserez, mais je ne peux pas vous reconduire à la porte.
    Des larmes perlaient aux yeux du malade. Dupire quitta son siège pour lui tendre la main. Il la garda un long moment dans la sienne.
    â€” Ne perdez pas espoir. Si le docteur Caron vous a dit que le tiers des victimes d’un accident cérébral ne survivent pas après six mois, cela signifie aussi que deux sur trois passent à travers.
    â€” Je vous remercie de votre visite, de vos bonnes paroles et de votre amitié.
    Un moment plus tard, plié en deux au moment de remettre ses couvre-chaussures, le gros homme entendit une nouvelle quinte de toux, puis les pas d’une femme dans le couloir. En sortant, il vit l’infirmière entrer dans la bibliothèque.
    * * *
    Depuis février, Édouard gérait seul les entreprises PICARD. Les responsabilités l’amenaient à afficher plus de sérieux. Désormais, il ne pensait plus aux activités politiques autrement que comme un moyen de faire progresser ses affaires. Les activités du Club de réforme lui permettaient de fréquenter ceux qui, dans vingt ans, se trouveraient au pouvoir. Cette nouvelle attitude ne signifiait pas une rupture totale avec ses anciens camarades. Drouin, Lacroix et les fils Taschereau demeuraient proches des idées nationalistes.
    Surtout, le jeune homme devait peser soigneusement toutes ses décisions commerciales, car personne ne viendrait corriger ses erreurs. Cela signifiait parfois terminer ses journées de travail tard le soir, d’autant plus que la bibliothèque de la grande demeure de la rue Scott servait de refuge au malade.
    â€” Je vous fais travailler beaucoup trop tard, Flavie.
    Le commerçant déposa une liasse de feuillets sur la table de sa secrétaire.
    â€” Je comprends, nous sommes au moment des commandes pour la belle saison… Si la nécessité de terminer à neuf heures du soir ne dure pas jusqu’en mai, je survivrai.
    â€” Ne craignez rien. Nous sommes le 8 avril. Nous en aurons fini avec le temps supplémentaire d’ici le 15.
    â€” Vous ne vous attendez pas à ce que je tape tout cela ce soir.
    En utilisant la forme affirmative, elle lui dictait sa réponse. L’homme lui adressa son meilleur sourire avant de convenir :
    â€” Je m’apprête à partir, je vous reconduis tout de suite jusqu’à la porte. Nous nous reverrons demain matin.
    Flavie Poitras ne craignait pas de rentrer à sa maison de chambre une fois la nuit tombée, mais le grand magasin lui paraissait receler bien des ombres, une fois toutes les lumières électriques éteintes. Elle préférait avoir de la compagnie au moment de parcourir les rayons désertés.
    Les premières fois, son employeur avait multiplié les remarques suggestives, les invitations plus ou moins licites. À la fin, elle lui avait précisé que les emplois ne se révélaient pas rares au point de la forcer à accepter des avances déplacées. Cela avait suffi à mettre fin à son insistance. Il aimait séduire, pas forcer la main.
    Au moment où Édouard récupérait son feutre sur la patère, un bruit de voix attira son attention.
    â€” De quoi s’agit-il encore? se demandait-il en s’approchant de la fenêtre.
    â€” La manifestation. Vous le savez pourtant, les journaux en ont parlé.
    â€” En lien avec le plébiscite sur la prohibition… Vous avez raison. Je néglige la lecture des journaux, ces temps-ci.
    La jeune femme afficha sa tristesse.
    â€” Comment monsieur Thomas se porte-t-il?
    â€” Vous savez, attraper la grippe espagnole, dans sa condition… Le docteur Caron ne paraît pas bien optimiste. Dans son actuel état de faiblesse, je crains de le voir mourir.
    â€” C’est affreux, ce retour de l’épidémie. Heureusement, la maladie frappe moins durement que l’automne dernier.
    Les écoles, tout comme les lieux de rassemblement, demeuraient ouverts, le port du masque ne s’imposait pas. Malgré tout, les journaux évoquaient de nombreux décès.
    Dans la rue, les mots « Libérez le vin, libérez la bière » étaient sans cesse répétés. Édouard ouvrit la fenêtre, se pencha sur la rue. Toutes les unions ouvrières de la ville avaient appelé leurs membres à parader afin de mobiliser les

Weitere Kostenlose Bücher