La mort bleue
sous-vêtement. Bientôt, les doigts sâinsinuèrent sous celui-ci, se perdirent dans la toison douce, trouvèrent la fente mouillée.
La jeune femme sâoffrait plutôt que de sâenfuir sous ces assauts. Sa propre main sâaventurait sur le bas-ventre de son compagnon, appréciait la raideur du sexe gonflé. Sourds et aveugles à tout ce qui survenait autour dâeux, ils ne perçurent ni les craquements des marches de lâescalier, ni la présence dans lâembrasure de la porte.
â Quel sale vicieux!
La voix, rauque et basse, les fit sursauter. Eugénie se tenait dans la pénombre, frêle dans son peignoir, les cheveux en désordre.
â Jeanne, quand je me lèverai demain, vous aurez disparu de cette maison. Je vous souhaite de finir au bordel. Vous avez des aptitudes pour ce métier.
Fernand gardait son bras gauche sur les épaules de sa compagne. De la main, il la força à le regarder puis déclara à voix basse :
â Ne bouge pas de ta chambre. Jâirai te dire un mot tout à lâheure.
â Je tâinterdis⦠clama la mégère.
La domestique quitta le canapé. Méfiante et effrayée, elle passa la porte en se plaquant de côté pour ne pas effleurer sa patronne, craignant un coup de griffe, une gifle retentissante.
Lâhomme déclara du même ton très doux, afin dâattirer lâattention de sa femme et lui enlever toute envie dâun excès de ce genre :
â Eugénie, le moment, tout comme les circonstances, me paraissent un peu étranges, mais nous allons parler un peu. Assieds-toi, je te verse un porto.
Le calme de son époux lui paraissait plus menaçant que tous les éclats de voix.
â Il nây a rien à discuter. Tu avais la main sous sa robe.
â Tiens-tu vraiment à en informer toute la maisonnée?
De nouveau, le ton posé la surprit. Au lieu de le trouver penaud, cramoisi même, il se montrait assuré.
â Ferme soigneusement la porte et assieds-toi.
La situation avait fait disparaître son érection. Il se leva pour allumer une lampe discrète, ouvrit lâarmoire à boisson pour verser un porto. Au moment où elle prenait place dans le fauteuil, il lui tendit le verre, puis se cala dans le canapé.
â Tu es un porc. Peloter la bonne dans mon salon.
â Dâabord, je te recommande de surveiller tes paroles.
Fernand nâélevait jamais la voix, mais il pouvait néanmoins se montrer autoritaire.
â Quand je tâai demandé en mariage, je croyais réaliser enfin le rêve de ma jeunesse : épouser la femme aimée depuis longtemps. Je savais bien que tu ne mâaimais pas, mais jâespérais tout de même une certaine tendresse, une complicité bienveillante. Puis jâai découvert la vérité sur ton compte. Retiens-toi de jouer les vierges offensées. Mon péché est-il pire que le tien?
Elle demeura silencieuse. La pénombre ne permettait pas de percevoir sa pâleur soudaine.
â Tu vois, après ton accouchement, en 1909, ton père sâest entendu avec lâun de ses employés afin quâil accepte ton fils en adoption. Il lui payait une pension, en quelque sorte. Maintenant quâil est mort, Ãdouard a hérité de cette responsabilité.
Eugénie avala son verre de porto dâune traite, attendit la suite avec une attitude de condamnée à mort.
â Dans les circonstances, menacer Jeanne du bordel me semble un peu⦠présomptueux. Non seulement tu tâes fait engrosser par un marin de passage, mais tu mâas menti.
â Ce nâest pas vrai, gronda-t-elle.
â Tes protestations ne servent à rien. Toutes ces années, le contrat dâadoption se trouvait dans mon bureau. Maintenant, il repose dans mon coffre, à la banque. Ne te donne pas la peine de mettre tout à lâenvers pour le retrouver et le détruire.
Défaite, la femme se leva pour remplir son verre une autre fois.
â En allant voir un avocat, poursuivit son mari, je suppose que tu pourrais obtenir la séparation de corps. Lâaccusation dâadultère attendrit toujours les juges.
Cette façon de présenter les choses, elle le devina, signifiait quâil gardait une carte dans sa manche.
â Mais dans ce cas, tu me donnerais un motif de me défendre. Tu mâas
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