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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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très gentil avec moi.
    Ã‰lisabeth préféra ne pas commenter. Malheureux en ménage, l’homme devait chercher une attention bienveillante. Ce genre de situation comportait toutefois sa part de complications inextricables. À la fin, Jeanne précisa :
    â€” En toute honnêteté, ma situation n’est pas si difficile. Elle passe ses journées entières enfermée dans un petit salon, à l’étage.
    Elle marqua une pause, posa ses yeux dans ceux de son ancienne patronne.
    â€” Croyez-vous que c’est normal, s’enfermer comme cela?
    â€” … Je ne sais pas.
    Le souvenir de la mère de la jeune femme, recluse vingt-deux ans plus tôt dans une chambre empestant la sueur et la merde, lui revenait souvent en mémoire. Bien que son état de santé général se révélât bien meilleur, Eugénie reproduisait ce comportement étrange.
    * * *
    Plaidant son extrême fatigue à cause de l’accouchement et des quelques minutes exténuantes passées dans la salle à manger, Eugénie ne quitta guère sa chambre au moment du souper. Au début de la soirée, Fernand monta afin de s’enquérir de son état. Il la trouva étendue sur le flanc, le petit Charles pendu à son sein droit.
    â€” Cela va un peu mieux, j’espère.
    â€” J’ai le téton à vif tellement il s’acharne. Son appétit ressemble au tien.
    L’homme accusa le coup, échangea un regard avec Jeanne, debout près du berceau placé dans un coin de la pièce. Il s’assit sur le bord du lit, regarda un moment la petite bouche goulue, les yeux clos, les petits poings encore fermés. Peut-être sentait-il la froideur de cette femme, sa mauvaise grâce à s’occuper de lui. Fernand se réjouit de le voir si bien disposé à lutter pour sa pitance.
    â€” Peux-tu regarder ailleurs?
    Elle ne voulait pas des yeux de son époux sur sa poitrine. De nouveau, le notaire regarda en direction de la domestique, le rose aux joues.
    â€” Tu sais bien que je suis pudique, ajouta son épouse pour réduire un peu la cruauté de sa remarque.
    Elle ajouta après un long silence embarrassé :
    â€” Tu l’as constaté, mes accouchements deviennent de plus en plus difficiles. Je ne pourrai pas avoir un autre enfant.
    La femme marqua une nouvelle pause, posa son regard dans le sien, puis plaida :
    â€” Le docteur Hamelin partage absolument mon avis à ce sujet. Comme tu le sais, ma mère est morte des suites de l’accouchement d’Édouard. Je ne semble pas plus résistante.
    Un nouveau silence suivit la confidence. Elle confessa encore :
    â€” Dans la famille, nous ne sommes pas d’une constitution bien robuste. Chaque fois, ma peau demeure toute déchirée, je perds beaucoup de sang. Il me faut des semaines pour me remettre. Comme je dois allaiter, je ne peux prendre le dessus…
    Ã€ ce moment, Charles cessa le mouvement de ses lèvres, comme s’il n’osait plus téter après avoir entendu cette précision.
    â€” Oui, bien sûr. Lors de notre prochaine visite chez le docteur Hamelin, nous lui demanderons s’il peut faire quelque chose pour toi. Bonne nuit.
    Fernand quitta le lit, se dirigea vers la porte en adressant un dernier regard discret à la domestique, toujours debout dans son coin.
    * * *
    Comme la journée avait été très chaude, Fernand appréciait la brise fraîche entrant par les fenêtres du salon. Elle soulevait les rideaux, les amenait à envelopper son corps. Pour ses voisins, il devait présenter une curieuse silhouette, un peu fantomatique avec les voiles soulevés autour de lui.
    Un bruit à l’entrée de la pièce le fit se retourner.
    â€” Jeanne, veux-tu un double sherry pour oublier cette pénible journée?
    â€” Non merci. La ration habituelle me suffira. Vous semblez en avoir besoin plus que moi.
    â€” Tu as raison. Je vais me gâter un peu, je pense.
    L’homme versa d’abord le sherry et posa le verre sur la table basse, juste en face de la place habituelle de la jeune femme, sur le canapé. Sa portion de whisky lui promettait une nuit de sommeil hébété. En s’affalant dans son fauteuil, elle déclara pour le réconforter un peu :
    â€” Cela arrive souvent, des femmes un peu déprimées après une naissance. Les choses rentreront

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