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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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fin, il la posa pour dire encore :
    â€” L’auteur indique aussi que la population civile de la ville est durement touchée.
    â€” Là comme ici, les militaires fréquentent assurément les tavernes, les cinémas, affirma Élise.
    La notion de contagion et la dispersion des germes dans une population ne faisaient plus mystère pour elle.
    â€” Et même en confinant ceux-ci dans de très respectables Chez nous du soldat , le danger demeure. Des dames patronnesses vont distribuer des bas à leurs protégés, et sans le savoir, elles reviennent à la maison infectées à leur tour.
    Les femmes de toute la Haute-Ville s’enthousiasmaient pour cette nouvelle œuvre sociale. Elles se transformaient en marraines de guerre, heureuses de tricoter ou de coudre pour ces jeunes hommes, mais aussi de les sortir en ville. Les plus motivées pousseraient le patriotisme jusqu’à entretenir une correspondance avec eux quand ils seraient sur le continent européen.
    â€” Tous les hivers, nous subissons une épidémie de grippe, tenta Élise pour le rassurer. À part son caractère hâtif, Peut-être que celle-ci ne se distinguera pas des autres.
    â€” Le journal insiste sur le côté virulent de l’épidémie.
    Face à sa mine inquiète, elle demanda :
    â€” Crois-tu que la même maladie se répande présentement à Québec?
    â€” Impossible de le savoir avec certitude, mais des trains vont et viennent tous les jours entre le Canada et Boston.
    Elle délaissa la vaisselle pour lui verser du thé, se servit elle-même une tasse avant de s’asseoir de l’autre côté de la table. En repliant La Patrie , elle demanda :
    â€” Tu veux continuer de parler de cette grippe ou tu préfères entendre le récit détaillé de la journée de tes rejetons à l’école?
    Ã‚gée de huit ans, Estelle avait entrepris sa troisième année chez les ursulines moins de deux semaines plus tôt. Les choses se passaient sans trop de heurts. Quant à Pierre, il mettait la patience des frères des Écoles chrétiennes à rude épreuve depuis un peu plus d’un an.
    â€” Je présume que l’un et l’autre affichent une soif inextinguible de nouvelles connaissances.
    â€” Entre autres choses, oui, ils montrent cela.
    Ses yeux rieurs témoignaient de prédispositions moins rassurantes, mais du caractère somme toute bénin de leur délinquance.
    â€” Comment se fait-il que deux personnes aussi sages et raisonnables que nous ayons pu donner naissance à deux petites personnes si résolues à n’en faire qu’à leur tête?
    â€” De nous deux, tu es le médecin. Cherche toi-même l’explication à ce mystère.
    Elle s’engagea dans la narration en évoquant une journée d’école entamée avec une grenouille dans la poche du pantalon de son fils. Le dénouement impliquait la rencontre entre le batracien et un frère enseignant au sens de l’humour assez décevant, enclin à utiliser une courroie de cuir pour obtenir la docilité de ses élèves.
    * * *
    En plus d’occuper le poste de directeur de l’Académie commerciale de Québec, le frère Dosité s’occupait de la classe terminale du cours primaire supérieur. Devant lui, une vingtaine d’adolescents, âgés de seize et dix-sept ans, s’épuisaient sur un problème où il était question d’un prêt à intérêt composé pour l’achat d’un lot de chaussures.
    â€” Ce genre de prêt, c’est de l’arnaque, marmonna un élève assis au dernier rang. Cela devrait être interdit par la loi.
    Â«Â Sans compter qu’avec une pareille législation, les frères cesseraient peut-être de nous faire chier avec des questions aussi idiotes », continua-t-il en pensée.
    â€” Saint-Pierre, si j’entends de nouveau votre voix, votre copie portera un gros zéro… de même que celles de vos camarades susceptibles d’avoir entendu vos murmures.
    â€” Mais je n’ai pas donné la réponse!
    â€” Cela suffit, continua le religieux, en faisant mine de se lever.
    Son geste fut interrompu par la quinte de toux d’un garçon occupant un pupitre situé au premier rang. Le bruit agit comme un signal, en quelque sorte. Bientôt, cinq ou

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