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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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paisiblement, le vin se répandit sur lui d’un seul coup, au vu et au su de toute l’assistance. Empourprée de colère et de confusion, la reine baissa la tête, tandis que Kaï, d’un ton sarcastique, commentait : « Eh bien ! voilà qui en dit long sur le roi ! » Tout humilié qu’il fût, Arthur préféra dominer son trouble et son irritation. Aussi répliqua-t-il aimablement : « Cher sénéchal, mon ami, mon frère, j’ai été bien fol de tenter cette épreuve alors que la reine m’avait prévenu qu’elle cachait quelque diablerie. J’ai eu tort de ne pas lui obéir, je l’avoue. Et je reconnais que Dieu a entendu sa prière, ainsi que tu viens de le constater. Cependant, je ne veux pas être ridicule seul. Je t’en prie, Kaï, essaie donc maintenant, au nom de la loyauté et de l’amitié que tu m’as jurées autrefois. »
    Sur ce, il lui tendit le cor et Kaï, fort contrarié, n’osa pas refuser. Rouge et plein de rage, il essaya de boire, mais il répandit tout le vin sur lui, déclenchant un énorme éclat de rire dans la salle. On se moquait ouvertement de lui, et le roi lui-même s’en divertit fort. En guise de plaisanterie, il lui dit même, d’un air aimable : « Eh bien, sénéchal ! nous voici deux, maintenant ! – Certes, rétorqua Kaï, mais j’ai l’impression que nous serons bien davantage. Car je ne voudrais pas, pour tout l’or du monde, qu’aucun de nos compagnons se dérobât à cette épreuve.
    — Bien parlé ! s’écria Arthur. J’ignore s’il s’agit là d’une supercherie ou d’un tour du diable, mais aucun chevalier ne sortira d’ici sans s’être efforcé de boire dans ce cor. Je le jure, par l’âme de mon père, le roi Uther Pendragon ! » Kaï retrouva immédiatement le sourire. « Voilà une bonne résolution, dit-il. Oserais-je affirmer qu’il est convenable et juste que le premier à tenter l’épreuve après moi soit ton neveu Gauvain ? – Qu’il en soit ainsi, dit le roi. Apporte-lui donc le cor. »
    Kaï s’exécuta sur-le-champ, tendit à Gauvain le cor, plein à déborder de vin, et lui dit en riant : « Allons, chevalier, n’aie nulle inquiétude. Bois sans crainte au nom du grand amour que tu portes au roi, car il t’ordonne de le faire. – Puisque mon seigneur l’ordonne, répondit Gauvain, je tenterai l’épreuve et je verrai bien si je réussis. » Il porta le cor à sa bouche, mais à peine y eut-il touché qu’il renversa et répandit le vin sur lui, déchaînant un nouvel éclat de rire dans la salle. « Au suivant ! » s’écria Kaï. Gauvain tendit le cor à Yvain, mais le fils du roi Uryen échoua de même. Et le roi et Kaï s’en esbaudirent d’autant plus volontiers que l’échec des autres les rassérénait davantage. Or, successivement, tous les compagnons de la Table Ronde eurent beau tenter de boire le vin contenu dans le cor, aucun d’entre eux ne put s’empêcher de le renverser de même.
    Arriva le tour de Lancelot du Lac. Kaï, après avoir fait remplir le cor d’eau fraîche, le lui présenta d’un air faussement respectueux. « À toi, Lancelot ! dit-il. N’es-tu pas le meilleur et le plus valeureux d’entre nous ? » D’un geste brusque, Lancelot refusa l’offre. « Pour rien au monde je ne jouerai à ce jeu ! protesta-t-il avec violence. Ma dame la reine nous a signifié à très juste titre que cette épreuve était un maléfice destiné à nous dresser les uns contre les autres. Pour n’avoir pas voulu l’écouter, vous vous êtes tous ridiculisés. Tant pis pour vous ; moi, je ne tomberai pas dans ce piège. » Et, sans ajouter un mot, Lancelot alla se rasseoir à sa place, tandis que la reine Guenièvre lui décochait un coup d’œil lourd de gratitude. Au demeurant, les paroles de Lancelot avaient eu le don de calmer les esprits qui commençaient à s’échauffer. Plus personne ne voulut tenter l’épreuve, et Kaï allait de l’un à l’autre vainement quand, enfin, Karadoc se leva et dit : « Seigneurs, qu’importe l’issue, j’accepte de boire dans ce cor. »
    Kaï se précipita vers lui et se hâta de lui remettre le cor. Mais, quand il l’eut en main, un affreux doute saisit Karadoc. Il regarda son amie Guinier, qui se tenait assise au côté de la reine. Se rendant compte qu’il doutait d’elle, elle s’écria aussitôt : « Seigneur ! n’hésite pas, bois ! » Alors, il éleva le cor jusqu’à ses lèvres et en but tout le

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