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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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le rendaient méconnaissable. Alors, les amants oublièrent toutes les peines et toutes les angoisses qu’ils avaient subies dans la joie de leur amour intact {39} .

5
 
La Voile noire
    Pendant que Tristan se trouvait à Tintagel, à l’insu des barons du roi Mark qui, par jalousie, ne souhaitaient rien tant que sa mort, il arriva que Kaherdin dut, avec ses chevaliers, se rendre en un lieu de pèlerinage où l’on avait coutume d’aller prier à certaine époque de l’année. En tant que fils du comte Hoël, Kaherdin ne se serait pour rien au monde dispensé d’accomplir cette dévotion, et comme Tristan, son compagnon d’armes, était absent, il invita sa sœur, la belle Yseult aux Blanches Mains, à l’accompagner. Elle accepta de grand cœur, et ils partirent, escortés d’une troupe de chevaliers et d’écuyers.
    Kaherdin chevauchait à la droite de sa sœur, et tous deux, fort occupés à deviser de sujets plaisants qui les divertissaient, ne se souciaient guère de leurs montures et leur lâchaient si bien la bride que celles-ci finirent par s’écarter de la route et s’engagèrent dans un terrain que les pluies récentes avaient inondé. En s’apercevant soudain qu’elle se trouvait dans un bourbier, Yseult aux Blanches Mains voulut se tirer de ce mauvais pas au plus vite et, reprenant les rênes d’une main vigoureuse, éperonna les flancs de son cheval. Or, au moment même où ses deux pieds se relevaient simultanément, l’animal foulait une grande flaque si vivement que l’eau gicla jusqu’entre les cuisses de la cavalière. De saisissement, elle poussa d’abord un cri puis éclata de rire, mais d’un rire si nerveux et si inextinguible qu’elle ne put de longtemps le calmer.
    En l’entendant rire de la sorte, Kaherdin s’imagina qu’elle se moquait de lui pour en avoir entendu dire quelque bêtise ou quelque méchanceté. Vaguement honteux, il l’interrogea : « Ma sœur, pourquoi ris-tu ? Est-ce de toi ou de moi ? Je t’en prie, ne me dissimule pas la vérité. » Après que, non sans peine, Yseult aux Blanches Mains fut parvenue à retrouver son sérieux, elle répondit : « Mon frère, ne t’offusque pas, c’est de ma propre folie que je ris. Il m’est arrivé en effet cette chose étrange que mon cheval, en sautant des quatre fers dans une flaque, a projeté de l’eau entre mes jambes bien plus haut que n’alla main d’homme, car jamais Tristan n’a osé avancer la sienne jusque-là. Voilà ce qui m’a fait rire {40} .
    — Comment cela, ma sœur ? s’écria Kaherdin. Dois-je comprendre que Tristan et toi n’avez jamais, contrairement à ce que doit faire un couple uni par le mariage, couché ensemble ? Est-ce lui qui se comporte et vit comme un moine, ou toi comme une nonne ? Tristan te traite en vérité d’étrange façon, si sa main n’approche jamais de toi lorsque tu es nue dans le lit et que vous faites l’amour. – Il n’a jamais fait l’amour avec moi, répondit Yseult. Il se contente, et encore bien rarement, de m’embrasser au moment de nous endormir. Je n’ai pas plus connu ce qu’on appelle la vie conjugale, mon frère, qu’une jeune fille qui mène la vie la plus chaste. »
    Kaherdin se montra des plus contrariés. « M’est avis, dit-il, que d’autres désirs l’attirent et qu’il soupire pour quelqu’un d’autre. Si j’avais su cela, jamais je n’aurais accepté qu’il t’épousât. » Mais Yseult répondit doucement : « Laisse donc cela, mon frère. Personne ne doit lui faire de reproche. J’espère seulement qu’il m’avoue un jour ses vraies raisons. En attendant, je ne veux pas que tu l’en blâmes. »
    Cependant, Kaherdin sentit une vive colère monter en lui. Il jugeait déshonorant pour lui-même autant que pour son lignage que Tristan dédaignât si vilement sa sœur. Il se garda pourtant d’en faire la moindre remarque, ni à celle-ci ni à ses proches. Mais, lorsque Tristan fut revenu et eut justifié son absence par quelque affaire à régler, Kaherdin lui manifesta tant de froideur empreinte de tristesse qu’il s’en trouva bien chagriné. Que se passait-il donc pour que son beau-frère, si enjoué d’ordinaire, et surtout avec lui-même, son compagnon d’armes favori, si libre en propos, se montrât soudain si laconique et distant ? À quoi attribuer ce changement brusque d’attitude ?
    Un jour, Tristan n’y tint plus. « Compagnon, dit-il à Kaherdin, d’où vient cette froideur ?

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