La mort du Roi Arthur
contre Lancelot, elle se promit de ne plus lui faire, à l’avenir, aucun reproche injustifié. Et elle le regardait d’un air si tendre qu’il comprit que plus rien ne s’opposait à leur amour {47} .
7
Le Règne de Morgane
Ayant décidé de visiter certains de ses vassaux dans leurs domaines afin de juger par lui-même des dispositions qu’ils avaient prises pour assurer la paix et la tranquillité dans le royaume, le roi Arthur quitta Kamaalot, simplement escorté d’un petit nombre de ses compagnons, tels Sagremor le Desréé, Karadoc de Vannes, Girflet, fils de Dôn, et Lucan, qui faisait office d’échanson à la cour. Sa chevauchée le mena le premier jour jusqu’à une forteresse appelée Tauroc où il coucha et se trouva si bien qu’il pria son hôte de le laisser prolonger son séjour. Au matin du quatrième jour, il remonta à cheval et, avec ses fidèles compagnons, voyagea sans encombre toute la journée. L’obscurité de la nuit cependant commençait à envahir le ciel quand on se retrouva à l’orée d’une forêt des plus drues.
Le roi y pénétra avec ses gens mais, comme il était un peu fatigué et ne savait plus très bien où il se trouvait, il s’arrêta et demanda : « Qu’allons-nous faire ? Il me semble que nous nous sommes égarés ? – Roi, répondirent ses compagnons, eu égard à la noirceur de la nuit, mieux vaut rester où nous nous trouvons que de poursuivre plus avant. Nous risquerions de peiner pour rien, vu que nous ne connaissons dans ces bois maison ni refuge. Nous avons d’ailleurs des vivres à suffisance. Dressons donc nos tentes dans cette clairière, nous nous reposerons et demain, s’il plaît à Dieu, une fois remis en route, nous trouverons bien moyen de nous repérer. »
Le roi approuva le conseil, mais ils n’avaient pas plutôt commencé à déployer les tentes qu’ils entendirent par deux fois retentir, tout proche, l’appel d’un cor. « Sur ma foi ! s’écria Arthur, il y a des gens dans le voisinage. Allez donc vous enquérir d’eux. » Sagremor le Desréé remonta aussitôt à cheval et se dirigea dans la direction d’où provenait la sonnerie. Or, avant d’être allé bien loin, il se retrouva sous une grande tour finement crénelée qu’entouraient de hautes murailles et, mettant pied à terre, se dirigea vers la porte et héla à trois reprises. Alerté par ces appels, le portier risqua la tête hors d’une fenêtre de la tour et demanda à Sagremor qui il était et ce qu’il désirait. « Je suis le chevalier Sagremor le Desréé, dit-il, et le roi Arthur, qui s’est arrêté non loin d’ici, m’envoie demander aux gens de cette forteresse-ci de bien vouloir l’héberger pour cette nuit. Je vais de ce pas retourner près de lui pour le guider jusqu’à cette demeure. – Hé là, beau seigneur ! s’écria le portier, attends un peu, s’il te plaît, que j’aille parler à ma dame ! Elle est en haut, dans sa chambre, et je reviendrai sous peu t’apporter sa réponse. – Comment ? s’étonna Sagremor. N’y a-t-il point ici de seigneur ? – Non, c’est une noble dame qui possède cette forteresse. – Va donc et hâte-toi, car je ne veux pas m’attarder longtemps. »
Le portier monta les degrés et s’en alla trouver sa dame afin de lui apprendre que le roi Arthur demandait l’hospitalité. La nouvelle enchanta la dame qui, pleine de joie, s’exclama : « Retourne vite ! et assure le chevalier que je serai trop heureuse d’accueillir le roi Arthur. Nous le recevrons du mieux que nous pourrons, et il n’aura pas lieu de déplorer son séjour ici. »
Le portier se hâta de rejoindre Sagremor et lui transmit l’invitation de la dame. Sans perdre un instant, ce dernier retourna là où il avait laissé le roi et ses compagnons. « Roi, lui dit-il, la chance est avec nous ! Nous serons hébergés cette nuit dans les meilleures conditions possibles. – Fort bien, se réjouit Arthur, remontons en selle. Sagremor nous montrera la voie. » Et ainsi fut fait, de sorte que, suivant Sagremor, ils arrivèrent au pied de la forteresse.
La porte en était ouverte. Et celle-ci sitôt franchie, tous estimèrent l’endroit si charmant qu’il leur semblait n’avoir jamais vu de si belle demeure, ni si attrayante. Mille cierges aux flammes dansantes illuminaient la cour, et il n’y avait mur ni cloison qui ne fût tapissé d’étoffes de soie de toutes couleurs. Arthur demanda à Sagremor :
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