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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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Après un instant de silence, Morgane souffla : « Mais comment comprends-tu les esprits de la montagne, Merlin ? Es-tu vraiment le fils du diable ?
    — C’est ce que l’on raconte ! s’écria Merlin, mais je vais te dire la vérité à mon sujet. Mon pays d’origine est la région des étoiles d’été. Je me trouvais avec mon roi dans l’état supérieur quand Lucifer tomba dans le gouffre d’enfer. J’ai porté la bannière devant Alexandre. Je sais le nom des étoiles du nord et du levant. Je me suis, dans la Voie lactée, tenu près du trône du Distributeur. J’ai accompagné l’esprit divin jusqu’en la profonde vallée d’Hébron. J’ai été l’instructeur d’Éli et d’Énoch. J’ai parlé avant d’être doué de parole. Je résidais en Canaan quand Absalon fut tué. Je me suis rendu à la cour des Danois bien avant que ne naquît Odin. J’ai visité le lieu de la Crucifixion du fils du Dieu de merci. J’ai été chef gardien de l’ouvrage de la Tour de Nemrod. J’ai parcouru les trois cercles de la constellation Couronne du Nord. J’accompagnais dans l’Arche Noé et Alpha. J’ai contemplé la destruction de Sodome et Gomorrhe. J’ai vu l’Afrique avant que Rome ne fût construite. J’ai fortifié Moïse au passage du Jourdain. Je suis monté au firmament avec Marie de Magdala. Je suis l’instructeur de tout l’univers et le serai jusqu’au Jugement sur la face de la terre. Il n’est merveille au monde que je ne puisse révéler. {51}
    — Merlin ! Merlin ! s’écria alors Morgane avec désespoir, me voici au point de ne plus savoir que faire. » Elle fixait son regard sur le chaton de la bague, espérant y voir paraître le visage de Merlin, mais n’apercevait qu’un épais brouillard. « Je t’en prie, Merlin, reprit-elle, donne-moi un conseil. » La voix de Merlin retentit, toujours lointaine, à travers les souffles du vent : « Ah ! Morgane ! voilà bien longtemps que tu jalouses ton frère Arthur parce qu’il détient le pouvoir, les honneurs, tandis que toi, sa sœur aînée, as seulement la place d’une femme entre tant d’autres. Tu as même voulu t’emparer du royaume afin de le régenter à ta guise. Mais tu as eu beau faire, envers Arthur, preuve de la pire déloyauté, tu t’es heurtée à plus fort que toi ! Et cependant, Morgane, tes pouvoirs sont peut-être plus grands que ceux de ton frère. N’oublie pas que tu sais des choses qu’ignorent la plupart des humains. Mais n’oublie pas non plus que ton royaume est ailleurs que sur cette terre déchirée par les querelles, les haines et les passions. » Il s’écoula alors un long moment pendant lequel Morgane n’entendit plus que le bruit du vent. Mais la voix reprit, plus proche et plus forte :
    « Je suis allé d’un pas rapide en un pays merveilleux et qui, quoique je le connaisse de longue date, m’étonnera toujours. Je suis allé jusqu’à un tertre où j’ai vu une femme à la longue chevelure. Elle se tenait sur le tertre, assise parmi ses compagnes dont les chevelures, d’un blond éclatant, étaient retenues par une pomme d’or. Elle me reconnut à mon manteau de pourpre à cinq plis, et elle m’invita à la suivre dans sa demeure. Je n’ai jamais vu de maison si belle ni si parfaite. Dans une salle, il y a, sur le côté droit, cinquante lits où peuvent dormir cinquante princes, et cinquante lits, sur le côté gauche, où peuvent dormir cinquante princesses. Les lits ont des montants couleur de sang et de belles colonnes dorées : la lumière qui les éclaire est un joyau radieux. À la porte de l’ouest, quand le soleil se couche, s’ébattent deux troupeaux de chevaux l’un de gris à la crinière tachetée, l’autre de pourpre claire et sur lesquels chantent des oiseaux, longuement, doucement, pour tous ceux de la maison royale. Un arbre est planté à la porte de cette demeure, un arbre d’argent où brille si bien le soleil de midi que sa splendeur est celle de l’or le plus pur. Plus loin se voient trois vingtaines d’arbres dont le faîte se touche et ne se touche pas : trois cents hommes peuvent se nourrir de chaque arbre et des fruits innombrables qu’ils portent en toute saison. Il y a dans cette noble maison une cuve remplie d’hydromel où s’abreuvent tous ceux qui sont là. Cette cuve, la coutume en est dûment établie, est toujours pleine, quelque quantité qu’on y puise. Il y a une fille, dans cette maison, qui se distingue

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