La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
mais
triomphant, en fier vainqueur de Troie. Les siens l’attendaient. Un message
leur avait annoncé son retour et le peuple se joignit à eux pour lui ménager un
accueil chaleureux. Après une brillante victoire, il revenait à son foyer, la
paix et la prospérité l’attendaient ; il semblait bien être le plus
glorieux des hommes.
Et cependant, dans la foule qui acclamait son retour, il y
avait des visages anxieux et des mots de mauvais augure passaient de bouche à
bouche. « De sombres événements l’attendent chez lui » murmurait-on.
« Autrefois, tout allait bien au palais, mais il n’en est plus de même à
présent. Si elle pouvait parler, cette maison raconterait une étrange
histoire. »
Devant le palais, les anciens de la cité s’étaient
rassemblés pour honorer leur roi, mais eux aussi ressentaient une profonde
détresse, une angoisse plus lourde encore et un pressentiment plus sombre que
ceux qui pesaient sur la foule indécise. Et tout en attendant, ils parlaient du
passé à voix basse ; ils étaient âgés, les jours anciens leur paraissaient
plus réels, peut-être, que le présent. Ils évoquaient le sacrifice
qu’Iphigénie, si jeune, si belle et innocente, vouant à son père une confiance
absolue, et qui avait été menée à l’autel, offerte aux poignards cruels sous
les regards sans pitié de ceux qui l’entouraient. En parlant, les vieillards
croyaient revivre ce moment, comme s’ils avaient eux-mêmes assisté à
l’holocauste, comme s’ils avaient entendu, en même temps qu’Iphigénie, ce père
qu’elle aimait ordonner aux hommes de la soulever et de la maintenir sur la
pierre où il allait l’égorger. Il l’avait tuée bien à contrecœur, mais harcelé
par l’Armée impatiente d’obtenir les vents propices qui lui permettraient de
faire voile vers Troie. L’affaire, cependant, n’était pas aussi simple. S’il
avait cédé à l’Armée, c’est qu’il avait hérité lui aussi de la malédiction
ancienne, léguée de génération en génération à sa race. Les vieillards
n’ignoraient rien de l’anathème suspendu sur cette maison.
… La soif du sang
Est dans leur chair. Avant que la blessure
ancienne
Se cicatrise, un jeune sang se répand.
Dix ans avaient passé depuis la mort d’Iphigénie, mais ses
conséquences imprégnaient le présent. Les anciens étaient sages. Ils avaient
appris que toute faute entraîne une nouvelle faute, que chaque tort en amène un
autre. Dans cette heure de triomphe, une menace venue de la jeune morte se
tenait suspendue sur la tête de son père. Et cependant, se disaient-ils l’un à
l’autre, peut-être ne prendra-t-elle forme que plus tard ? Ils tentaient
ainsi de se chercher quelque raison d’espérer, mais dans le fond de leur cœur,
ils savaient sans oser l’exprimer que la vengeance attendait déjà Agamemnon
dans son palais.
Elle avait attendu depuis que la Reine, Clytemnestre, était
revenue d’Aulis où elle avait vu mourir sa fille. Elle n’était pas restée
fidèle à un époux qui avait tué leur enfant ; elle avait pris un amant, et
tout le peuple le savait. Il savait aussi qu’elle ne l’avait pas renvoyé
lorsque la nouvelle du retour d’Agamemnon lui était parvenue ; il était toujours
auprès d’elle. Quels projets, quels complots se tramaient derrière les portes
closes du palais ? Avec crainte, ils se le demandaient tous, quand un
tumulte frappa leurs oreilles, un grand bruit de charroi et de cris. Un char
entra dans la cour du palais ; le Roi s’y trouvait et à côté de lui, une
jeune fille très belle mais d’aspect très étrange. Les serviteurs et le peuple
suivaient et quand le cortège s’arrêta, les portes de la grande maison
s’ouvrirent et la Reine apparut.
Le Roi mit pied à terre, priant tout haut : « O
victoire, mienne à présent, sois mienne à jamais ». Sa femme se porta à sa
rencontre. Son visage était radieux, sa tête haute. Elle savait que, sauf le
seul Agamemnon, tous les hommes présents connaissaient son infidélité ;
mais elle leur fit front et les lèvres souriantes, elle leur dit qu’en un tel
moment et fut-ce devant eux tous, elle ne pouvait taire l’amour qu’elle portait
à son époux et l’angoisse intolérable que son absence lui avait fait subir.
Puis, d’une voix exultante, elle souhaita la bienvenue à Agamemnon :
« Tu es notre sauvegarde, notre plus sûre défense. Ta vue nous est aussi
douce que celle de la terre
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