La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
la
chose comme une infortune. Xuthos ne partageait pas cette façon de voir et plus
que Créuse elle-même, il désirait passionnément un fils. En conséquence, tous
deux se rendirent à Delphes, refuge des Grecs en peine, pour demander au dieu
s’ils pouvaient encore espérer un enfant.
Laissant son mari dans la ville en compagnie des prêtres,
Créuse monta seule au sanctuaire. Dans la cour intérieure, elle rencontra un
superbe adolescent revêtu d’habits sacerdotaux ; tout en chantant un hymne
à la louange du dieu, il purifiait avec ferveur le lieu sacré en l’aspergeant
d’eau contenue dans une coupe d’or. Il regarda aimablement cette dame si belle
et imposante, et elle le regarda à son tour, puis ils se mirent à parler. Il
voyait bien qu’elle était de haute naissance et bénie par le sort, lui dit-il.
Elle répondit avec amertume : « Bénie par le sort ! Dis plutôt
que le chagrin me rend la vie insupportable. » Ces mots révélaient toute
sa détresse – sa terreur et sa peine anciennes, son angoisse pour son enfant,
le fardeau de ce secret qu’elle portait depuis tant d’années. Mais voyant
poindre la stupeur dans les yeux du jeune garçon, elle se reprit et s’enquit de
lui ; il paraissait si jeune encore pour occuper de si hautes fonctions
dans le saint des saints de la Grèce ? Il répondit que son nom était Ion
mais qu’il ignorait tout de sa naissance. Alors qu’il était tout petit, la
Pythonisse, prêtresse d’Apollon, l’avait trouvé un beau matin sur les marches du
temple ; elle l’avait élevé avec toute la tendresse d’une mère. Il s’était
toujours senti heureux, s’activant avec joie dans le temple, fier de servir non
les hommes mais les dieux.
Alors, il se risqua à lui poser quelques questions, lui
aussi. Pourquoi était-elle si triste ? lui demanda-t-il gentiment. Ses
yeux se mouillaient de larmes, pourquoi donc ? Ce n’était pas ainsi que
les pèlerins venaient à Delphes, mais en se réjouissant d’approcher le
sanctuaire d’Apollon, le dieu de la Vérité.
— Apollon ! dit Créuse. – Non ! Je ne peux
l’approcher ainsi. Alors, répondant au regard étonné et plein de reproche
d’ion, elle lui dit qu’elle était venue à Delphes dans un but secret. Alors que
son mari s’y rendait pour demander une confirmation à son espoir d’avoir un
jour un fils, elle-même ne cherchait qu’à découvrir le sort d’un enfant qui
était le fils de… Sa voix se brisa ; elle se tut. Puis elle reprit,
parlant vite : « … d’une de mes amies, une malheureuse femme que ce
dieu si saint de Delphes a outragée. Et quand l’enfant qu’il la força à porter
fut né, elle l’abandonna. Il doit être mort – il y a des années que ces choses
se sont passées mais elle veut à tout prix connaître la vérité, apprendre
comment il est mort. Et c’est ce que je suis venue demander pour elle à
Apollon. »
Ion fut horrifié de l’accusation portée contre son seigneur
et maître. « Ce n’est pas vrai », dit-il avec chaleur. « Ce ne
pouvait être qu’un homme et elle veut excuser sa honte en rejetant le blâme sur
le dieu. »
— Non, dit Créuse, péremptoire. – C’était Apollon.
Ion garda le silence. Puis il hocha la tête. « Et si
même c’était vrai, ce que tu projettes de faire est insensé »,
objecta-t-il. « Tu ne peux approcher de l’autel du dieu pour tenter de
prouver qu’il est un scélérat. »
Créuse sentit faiblir sa résolution aux paroles de cet
adolescent étrange. « Je ne le ferai pas », fit-elle avec soumission.
« Je suivrai ton conseil. »
Des sentiments qu’elle ne pouvait comprendre naissaient en
elle. Immobiles tous les deux, ils s’observaient quand survint Xuthos, le
visage triomphant. Il tendit les bras à Ion, qui recula avec une froide
aversion, mais à son grand embarras, Xuthos réussit cependant à l’embrasser.
— Tu es mon fils, s’écria-t-il. – Apollon l’a déclaré.
Le cœur de Créuse se serra ; un sentiment d’antagonisme
amer l’étreignit. – Ton fils ? demanda-t-elle d’une voix claire.
— Et qui donc est sa mère ?
— Je n’en sais rien. Xuthos était troublé. – Je crois
qu’il est mon fils mais peut-être le dieu me l’a-t-il donné. De toute façon, il
est à moi.
À ce groupe – Ion froid et distant, Xuthos perplexe mais
heureux, Créuse haïssant les hommes et déterminée à refuser de se voir imposer
le fils de quelque femme
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