La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
divins et déguisé en paysan, il
se dirigea vers Argus en jouant doucement d’un pipeau de roseaux. Ce son plut à
Argus, qui pria le musicien d’approcher. « Pourquoi ne viendrais-tu pas t’asseoir
près de moi sur ce rocher ? » lui dit-il. « On y est à l’ombre –
un bon endroit pour un berger. »
Rien ne pouvait mieux convenir aux projets d’Hermès, et
cependant, rien ne se passa. Hermès soufflait dans son pipeau, puis parlait, parlait,
du ton le plus monotone ; quelques yeux cédaient à la somnolence et se
fermaient, mais les autres restaient ouverts. Une histoire, enfin, eut plus de
succès – une histoire au sujet de Pan et de son amour pour une nymphe nommée
Syrinx, qui fut changée en touffe de roseaux par ses sœurs, les nymphes, au
moment où il allait enfin la saisir. Pan lui dit alors : « Tu seras
mienne cependant » et il fit d’elle ce qu’elle est devenue :
Un pipeau de berger
En roseaux joints par de la cire d’abeilles.
Si cette petite histoire ne paraît pas beaucoup plus
ennuyeuse que beaucoup d’autres. Argus sembla la trouver telle. Tous ses yeux
se fermèrent. Bien entendu, Hermès le tua aussitôt, mais Héra prit ses yeux et
les sema sur les plumes du paon, son oiseau favori.
Io semblait délivrée et cependant, il n’en était rien ;
Héra, une fois de plus, se tourna contre elle. Elle lui envoya pour la
persécuter un taon qui la piquait à la rendre folle. Io dit à Prométhée :
Il me mène tout au long de la grève.
Je ne peux ni boire ni me nourrir,
Et jamais il ne me permet de dormir.
Prométhée tenta de la réconforter mais il ne put rien lui
promettre avant un lointain avenir – maintenant, il lui fallait errer encore
dans des contrées dangereuses. Bien sûr, la mer qu’elle longerait dans son
délire affolé serait un jour appelée Ionienne en son honneur, et le Bosphore, c’est-à-dire
le Gué de la Vache, rappellerait à chacun qu’elle l’avait traversé, mais sa
vraie consolation lui viendrait d’atteindre enfin le Nil, où Zeus lui rendrait
sa forme humaine. Alors, elle lui donnerait un fils nommé Epaphos et elle
vivrait à jamais heureuse et honorée. Et :
Apprends ceci, de ta race naîtra
Un être glorieux, au cœur valeureux,
Dont l’arc me libérera.
Ce descendant d’Io serait Héraclès, le plus grand des héros,
celui que les dieux eux-mêmes ne dépassaient guère en grandeur et auquel
Prométhée devrait sa délivrance.
Europe
Ce récit, qui ressemble
tellement à l’idée que la Renaissance se faisait du classique – fantastique, délicatement orné, brillamment coloré – est tout entier emprunté à un poème de Moschos, qui
vivait au III e siècle à
Alexandrie et qui fut, de loin, le meilleur narrateur de cette légende.
Io ne fut pas la seule jeune fille qui dut à l’amour de Zeus
d’accéder à une renommée géographique. Il y en eut une autre, beaucoup plus connue
– Europe, fille du Roi de Sidon. Mais alors que l’infortunée Io paya fort cher
d’être ainsi distinguée, Europe au contraire s’en trouva fort bien. Sauf pour
les quelques instants de terreur qu’elle éprouva à se trouver traversant la mer
sur le dos d’un taureau, elle ne souffrit jamais. L’histoire ne dit pas à quoi
s’occupait Héra dans le même temps, mais il est clair que sa vigilance était
singulièrement endormie et son mari, en conséquence, libre d’agir à sa fantaisie.
Par une belle matinée printanière et tandis que du haut des
cieux, il observait nonchalamment la terre, Zeus aperçut soudain un spectacle
charmant. Europe s’était ce jour-là réveillée fort tôt, troublée comme Io l’avait
été avant elle par un rêve ; seulement, il ne s’agissait pas cette fois d’un
dieu qui serait devenu amoureux d’elle mais de deux continents dont chacun, sous
la forme d’une femme, tentait de la posséder, l’Asie prétendant avoir droit de
propriété puisqu’elle lui avait donné naissance, et l’autre – sans nom encore –
déclarant que Zeus lui donnerait l’adolescente.
Libérée du sommeil en même temps que de cette étrange vision
qui lui était venue à l’aube – moment où le plus souvent les vrais rêves
viennent aux mortels – Europe décida de ne pas se rendormir mais d’appeler ses
compagnes, toutes nées la même année qu’elle et toutes de noble origine, et de
leur proposer une escapade dans les prés fleuris en bordure de la mer.
C’était leur lieu de
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