La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
visait…
et atteignit Hyacinthe au front, lui faisant une affreuse
blessure. Or Hyacinthe était le plus cher compagnon d’Apollon ; aucune
rivalité ne les séparait quand chacun d’eux tentait de lancer le disque au plus
loin ; pour eux, ce n’était qu’un jeu. Le dieu fut saisi d’horreur à la
vue du sang qui coulait à flots et de l’adolescent pâli qui tombait sur le sol.
Il prit son ami dans ses bras et tenta de le ranimer. Mais il était trop tard. La
tête du jeune homme retomba comme une fleur dont la tige est brisée. Il était
mort, et Apollon, s’agenouillant près de lui, pleura amèrement la perte de tant
de jeunesse et de beauté. Sans aucune faute de sa part, il était la cause de
cette mort et il s’écria : « Oh, que ne puis-je donner ma vie en
échange de la tienne, ou mourir avec toi ! » Il parlait encore et
voici que l’herbe tachée de sang se mit à reverdir ; une fleur
merveilleuse apparut, celle qui devait à jamais perpétuer le nom de l’adolescent.
Sur ses feuilles, Apollon lui-même inscrivit soit, selon les uns, les deux
premières lettres du mot qui en grec signifie : « hélas », soit,
selon les autres, les initiales d’Hyacinthe. D’une façon comme de l’autre, le
témoignage demeure de la grande douleur d’un dieu.
D’après une autre légende, la cause directe de cette mort
fut Zéphyre, le vent d’Ouest, et non Apollon, car celui-là aussi aimait le plus
beau des adolescents et dans sa fureur jalouse de se voir préférer le dieu, il
aurait soufflé sur le palet pour le détourner et le diriger ensuite vers
Hyacinthe.
Ces contes charmants, qui narrent le destin de jeunes gens
aimables mourant au printemps de la vie pour se transformer en fleurs
printanières, ont vraisemblablement un arrière-plan fort sombre. Ils laissent
entendre que, dans un passé très lointain, des rites cruels étaient imposés. Bien
avant que ces légendes ou poèmes aient été dits ou chantés en Grèce, avant même,
peut-être, l’apparition des conteurs et des poètes, il se pourrait qu’alors, lorsque
les champs entourant le village restaient infructueux, ou si le blé refusait de
germer, l’on sacrifiât l’un des villageois – ou villageoises – pour répandre
ensuite son sang sur la terre stérile. L’idée des dieux radieux de l’Olympe — qui
auraient rejeté avec horreur un sacrifice aussi odieux – n’était encore venue à
personne. À ce moment reculé, seules les semailles et les moissons assuraient
entièrement la subsistance de l’humanité et celle-ci en concluait, vaguement, qu’entre
elle-même et la terre devait exister un rapport profond, et que le sang des
hommes, nourri par le blé, pouvait à son tour nourrir le sol si besoin était. Si
un bel adolescent avait été tué ainsi et qu’ensuite la terre se fût couverte de
narcisses et de jacinthes, quoi de plus naturel que de le voir lui-même
ressurgir dans ces fleurs, transformé et vivant à nouveau ? Et les hommes
et les femmes se racontaient que c’était bien ainsi que la chose s’était passée
– un merveilleux miracle qui faisait paraître cette mort moins horrible. Puis, les
siècles passant, l’idée que la terre avait besoin de sang pour porter des
fruits s’effaça, tout ce que ces légendes avaient de cruel fut abandonné et peu
à peu oublié. Personne ne voulait plus se souvenir qu’autrefois des actions
affreuses avaient été commises. Hyacinthe, disaient-ils, n’est pas mort tué par
les siens afin que leur nourriture soit assurée, il est mort à la suite d’une
erreur désolante.
La plus célèbre de ces morts et résurrections fleuries est
celle d’Adonis. Chaque année les jeunes filles de la Grèce pleuraient sa perte
et chaque année elles se réjouissaient lorsque renaissait sa fleur, l’anémone
pourprée. Aphrodite l’aima ; la déesse de l’Amour, qui perce de ses
flèches le cœur des dieux comme celui des hommes, eut-elle aussi à souffrir la
même peine.
Aphrodite vit naître Adonis et dès cet instant s’éprit de
lui ; elle décida qu’il lui appartiendrait. Elle le porta à Perséphone et
le lui confia, mais Perséphone s’éprit de lui à son tour et lorsque la déesse
descendit aux Enfers pour le lui réclamer, elle refusa de le rendre. Ni l’une
ni l’autre n’ayant voulu céder, Zeus lui-même dut trancher le débat. Il décida
qu’Adonis passerait la moitié de l’année avec chacune, l’automne et l’hiver
avec la
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