La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
comme il arrive qu’avec
le temps la laideur et la méchanceté deviennent moins agressives. Peut-être un
conteur vit-il un objet de pitié dans la créature souffrante et réduite à l’impuissance
qu’Odysseus laissait derrière lui. Toujours est-il que la légende suivante
concernant Polyphème nous le montre sous un jour fort plaisant ; ce n’est
plus un être terrifiant mais un pauvre monstre crédule et tout à fait ridicule,
aussi conscient de sa laideur et de sa gaucherie que de la répulsion qu’il
inspire, et fort misérable, car il aime, à en perdre la raison, la charmante et
moqueuse nymphe de la mer, Galatée. Cette fois, il vit en Sicile, et son œil
lui est revenu d’une façon ou d’une autre, peut-être par quelque miracle de son
père qui dans cette histoire se trouve être Poséidon, le puissant dieu de la
Mer. Le géant amoureux savait que jamais Galatée ne répondrait à ses sentiments ;
son cas était désespéré. Et cependant, lorsqu’il tentait d’endurcir son cœur
contre la cruelle en se répétant : « Pais donc tes propres brebis, pourquoi
poursuivre ce qui te fuit ? », la coquine s’approchait de lui à la
dérobée et soudain une grêle de pommes s’abattait sur son troupeau et la voix
de la Néréide résonnait à son oreille, raillant sa timidité en amour. Mais à
peine se levait-il pour essayer de l’atteindre, qu’elle s’enfuyait en raillant
sa lourdeur à la course. Il ne restait plus au pauvre Cyclope qu’à se rasseoir
sur la grève, misérable et impuissant, mais cette fois sans rage meurtrière, se
contentant seulement de chanter des complaintes d’amour désolées pour attendrir
le cœur de la Néréide.
Dans un récit beaucoup plus tardif, Galatée se montre
aimable, non parce que l’exquise, la délicate jeune fille au teint de lait – comme
l’appelle Polyphème dans ses chansons – se sent prise d’un tendre sentiment
pour cette créature hideuse et borgne (ici aussi, Polyphème a retrouvé son œil)
mais parce que voyant en lui le fils favori du Souverain de la Mer, elle en
conclut prudemment qu’il n’est certes pas à dédaigner. Et c’est pourquoi elle
dit à Doris, sa sœur Néréide, qui, ayant elle-même quelque peu caressé l’espoir
de séduire le Cyclope, avait entamé la conversation par ces mots dédaigneux :
« Un beau galant que tu as là – ce berger sicilien. Tout le monde en parle. »
Galatée : Ne prends pas tes grands airs, je te prie. Il
est le fils de Poséidon. Voilà !
Doris : Et pourquoi pas celui de Zeus, pour ce qu’il m’intéresse !
Une chose est certaine, c’est une brute hideuse et mal-élevée.
Galatée : Je te dirai ceci, Doris, il y a quelque chose
de viril en lui. Il n’a qu’un œil, c’est entendu, mais il y voit tout autant
avec celui-là que s’il en avait deux.
Doris : Mais tu sembles l’aimer, ma foi !
Galatée : Moi… aimer Polyphème ! Tu n’y penses pas.
Mais je devine pourquoi tu parles ainsi. Tu sais parfaitement qu’il ne t’a
jamais remarquée, il ne s’intéresse qu’à moi.
Doris : Un berger qui n’a qu’un œil te trouve jolie !
Il y a bien de quoi s’enorgueillir ! De toute façon, tu n’auras pas à
cuisiner pour lui. Si j’en crois la rumeur, il semble pouvoir transformer un
voyageur en fort bon repas.
Mais Polyphème ne conquit jamais Galatée. Elle s’éprit d’un
jeune et beau prince nommé Acis, que Polyphème, furieusement jaloux, tua. Acis,
cependant, fut changé en fleuve et cette histoire-là, tout au moins, a une fin
heureuse. Mais nulle part on ne nous dit si Polyphème aima jamais une autre que
Galatée, ni s’il fut lui-même jamais aimé d’une autre nymphe.
Mythes floraux : Narcisse, Hyacinthe, Adonis
Le premier récit de la création
du narcisse nous est donné par un seul Hymne Homérique fort ancien, du VII e ou VIII e siècle ;
j’ai pris à Ovide la seconde narration. Il existe une grande divergence entre
les deux poètes que non seulement 6 ou 7 siècles
séparent l’un de l’autre mais plus encore la différence fondamentale entre Grec
et Romain. L’Hymne est écrit dans un style simple, direct, objectif et sans
ombre d’affectation. Le poète pense à son sujet. Ovide, par contre, est comme
toujours conscient de son auditoire mais il narre fort bien cette histoire. Le
passage concernant l’ombre qui tente de s’apercevoir dans le fleuve de la mort
témoigne de cette nuance subtile si
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