La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
mènerait
rapidement Psyché à sa perte.
Les choses, toutefois, se passèrent bien autrement qu’elle n’y
comptait. Psyché ne s’éprit nullement d’un scélérat ; en fait, elle ne s’éprit
de personne et chose plus étrange encore, personne ne s’éprit d’elle. Les
hommes se contentaient de la contempler, de l’admirer, de l’adorer – puis
passaient et en épousaient une autre. Ses deux sœurs, bien qu’infiniment moins
séduisantes, avaient fait des mariages splendides – chacune d’elles avait
trouvé un roi pour mari. Psyché, la toute belle, restait triste et solitaire, toujours
admirée, jamais aimée. Aucun homme, semblait-il, ne la voulait pour femme.
Ceci, bien entendu, était une grande cause de souci pour ses
parents. Son père se rendit finalement auprès d’un oracle d’Apollon, pour
demander le moyen de trouver un bon mari pour Psyché. Le dieu consentit à
répondre, mais ses paroles furent terribles. Après lui avoir raconté toute l’affaire,
Cupidon lui aussi était venu implorer son aide. En conséquence, Apollon décréta
que Psyché, vêtue d’habits de deuil, devait être menée sur le sommet d’une
colline et y rester seule ; là, le mari qui lui était destiné, un serpent
ailé, terrifiant, et plus fort que les dieux eux-mêmes, viendrait à elle et
ferait d’elle sa femme.
On peut imaginer le désespoir qui s’empara de tous lorsque
le père de Psyché rapporta ces nouvelles lamentables. On para la jeune fille
comme pour ses funérailles et avec plus de lamentations encore que s’il se fût
agi de la porter à sa tombe, on la mena sur la colline. Psyché seule gardait
tout son courage. « C’est beaucoup plus tôt que vous auriez dû pleurer sur
moi », leur dit-elle « à cause de cette beauté qui m’a valu la
jalousie du ciel. Partez maintenant, et sachez que je suis heureuse d’en voir
venir la fin. » Ils partirent donc, désespérés, abandonnant à son destin
la ravissante et malheureuse jeune fille ; ils s’enfermèrent dans leur
palais pour s’affliger sur elle tout au long de leurs jours.
Sur la colline, dans l’obscurité, Psyché restait assise, attendant
elle ne savait quelle épouvante. Là, tandis qu’elle pleurait et tremblait, à
travers le calme de la nuit un léger souffle parvint jusqu’à elle, la douce
haleine de Zéphyre, le plus doux des vents. Elle sentit qu’il la soulevait. Elle
glissa dans l’air, depuis la colline rocheuse jusqu’à une prairie moelleuse
comme un lit, odorante de fleurs. Il y faisait si paisible qu’elle en oublia
tous ses soucis et s’endormit. Elle se réveilla près d’une rivière scintillante,
au bord de laquelle s’élevait un château aussi imposant et magnifique que s’il
était destiné à un dieu, avec des colonnes en or, des murs en argent et des
dallages incrustés de pierres précieuses. On n’entendait aucun son ; l’endroit
semblait désert et Psyché s’approcha, intimidée par la vue d’une telle
splendeur. Comme elle hésitait sur le seuil, son oreille perçut des sons ;
elle ne voyait personne mais les mots lui parvenaient clairement. « La
maison est à toi », disaient-ils. « Entre sans crainte, baigne-toi, rafraîchis-toi ;
ensuite on dressera pour toi la table du banquet. »
Jamais elle n’avait pris de bain plus délicieux ni goûté à
des mets plus délectables. Tandis qu’elle dînait, une douce musique se
répandait autour d’elle – une harpe accompagnant un chœur nombreux, semblait-il ;
elle ne faisait que les entendre, sans les voir. Toute la journée, et sauf pour
l’étrange compagnie des voix, elle resta seule ; mais sans pouvoir se l’expliquer,
elle était certaine qu’à la tombée de la nuit, son mari viendrait. Et il en fut
ainsi. Quand elle le sentit près d’elle et qu’elle entendit sa voix murmurer
doucement à son oreille, toutes ses craintes l’abandonnèrent. Sans le voir, elle
savait qu’il n’était ni un monstre ni une forme d’épouvante, mais bien l’amant
et l’époux qu’elle avait si longuement désiré et attendu.
Cette demi-présence ne pouvait pleinement la satisfaire ;
cependant, elle était heureuse et le temps passait vite. Mais une nuit, son
cher bien qu’invisible époux lui parla gravement et l’avertit qu’un danger la
menaçait – sous la forme de ses deux sœurs. « Elles se rendent sur la
colline où tu as disparu, afin d’y pleurer sur toi », lui dit-il. « Mais
à aucun prix il ne
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