La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes
et
appelant son époux, elle se précipita dans la chambre. Elle y trouva Hercule, assis
et riant aux éclats, tenant dans chacune de ses mains un long corps flasque et
mou. Joyeusement, il les tendit à Amphitryon. Ils étaient morts. Tous
comprirent alors que l’enfant était destiné à de grandes choses. Tirésias, le
prophète aveugle de Thèbes, dit à Alcmène : « Plus d’une femme en
Grèce, j’en fais le serment, tout en filant la laine chantera ce fils qui est
le tien et toi, qui l’as porté. Il sera le héros de l’humanité. »
On prit grand soin de son éducation, mais lui enseigner ce
qu’il refusait d’apprendre était une tâche dangereuse. Il paraît ne pas avoir
aimé la musique qui cependant tenait une grande place dans l’éducation d’un
adolescent grec – ou peut-être n’éprouvait-il qu’antipathie pour son professeur
en cet art. Il se mit un jour en colère contre lui et lui fracassa la tête avec
son luth. C’était la première fois qu’il donnait un coup fatal sans en avoir l’intention.
Jamais il n’avait eu le dessein de tuer l’infortuné musicien ; sous l’impulsion
du moment, il frappa sans réfléchir, à peine conscient de sa force. Il en fut
sincèrement désolé, ce qui ne l’empêcha pas de recommencer encore et encore.
On lui enseigna aussi la lutte, l’escrime, l’équitation, pour
lesquelles il montra plus de goût, et dans ces branches du savoir, tous ses
maîtres survécurent. A 18 ans, il avait atteint sa pleine croissance et il tua
à lui seul un grand lion qui vivait dans les bois de Cithéron. De la peau du
lion thespien, Hercule se fit un vêtement dont la tête formait le capuchon et
il s’en recouvrit désormais.
Combattre et vaincre les Myniens qui taxaient les Thébains d’un
lourd tribut fut son exploit suivant. Les citoyens reconnaissants lui offrirent
en récompense la main de la Princesse Mégarée. Il lui fut fort attaché ainsi qu’aux
enfants qu’il en eut, et cependant il dut à ce mariage le plus grand chagrin de
sa vie, sans compter une suite de dangers et d’épreuves comme personne n’en
connut avant ou après lui. Quand Mégarée lui eut donné trois fils, il devint
fou. Héra, qui n’oubliait jamais une offense, le frappa de démence. Il tua ses
enfants ainsi que Mégarée qui tentait de protéger le plus jeune. Puis la raison
lui revint. Il se retrouva dans une salle de sa demeure tout éclaboussée de
sang, et autour de lui gisaient les cadavres de ses fils et de sa femme. De ce
qui s’était passé, comment ils étaient tous morts, il n’avait aucune idée. Il
croyait se souvenir qu’un moment plus tôt, ils parlaient tous ensemble. Terrifiés,
les témoins du drame qui observaient son trouble à distance, virent que la
crise était passée et Amphitryon osa s’approcher. On ne pouvait cacher la
vérité à Hercule, il devait l’apprendre, si atroce fût-elle et Amphitryon se
chargea de la lui dire. Hercule l’écouta ; puis il dit : « Ainsi
je suis moi-même le meurtrier de ceux que j’aimais le plus au monde. »
— Oui, répondit Amphitryon tremblant. – Mais tu avais
perdu la raison.
Hercule ne prêta aucune attention à l’excuse implicite.
— Épargnerai-je alors ma propre vie ? dit-il. – C’est
sur moi-même que je vengerai ces morts.
Mais avant qu’il ait eu le temps de se précipiter au dehors
pour se donner la mort, son dessein désespéré fut empêché et sa vie épargnée. Ce
miracle – car c’en est un – qui ramena Hercule d’un délire affolé et d’une
action violente à une sobre raison et à une résignation désolée, n’était pas dû
à l’intervention d’un dieu descendu du ciel mais à une amitié humaine. Thésée, son
ami, s’avança vers lui et étreignit dans les siennes ces mains tachées de sang.
Selon la coutume généralement admise chez les Grecs, par ce geste il était maintenant
souillé lui aussi et le crime d’Hercule devenait aussi le sien.
— Ne t’écarte pas de moi, dit-il à Hercule. – Ne me
refuse pas de tout partager avec toi. Le mal que je partage avec toi n’est pas
un mal pour moi. Écoute-moi. Les hommes à l’âme grande supportent sans fléchir
les coups du ciel.
Hercule dit : – Sais-tu ce que j’ai fait ?
— Je le sais, répondit Thésée. – Tes peines montent de
la terre jusqu’au ciel.
— Et c’est pourquoi je veux mourir, dit Hercule.
— Nul héros n’a jamais prononcé de tels mots,
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