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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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n’osaient l’aborder, leurs regards étaient parfois si lourds, leurs murmures si triviaux que, malgré sa tenue cavalière et le poignard qui ne la quittait jamais, elle s’enfermait dans sa cabine ou rejoignait les passagers. Mais après tous ces jours de mer, ces escales et ces dangers, cette vie-là était devenue la sienne et elle en redoutait le terme.
    Elle savait qu’ensuite elle épouserait le sire de Marsico, cet homme qu’elle n’arrivait à imaginer malgré le portrait qu’on lui en avait tracé. Une idée chaque jour plus insupportable, sans doute parce qu’elle avait goûté à une liberté que peu de femmes peuvent connaître, mais aussi... Elle soupira et s’arracha à ses rêveries, repensant à la fin du dromon. Le combat, avec ses cadavres, ses hurlements de douleur, le sang qui coule, les boulets qui sifflent, les flammes qui rampent sur la mer, n’était déjà plus qu’un terrible souvenir.
    Elle allait rejoindre les autres quand le manège de son chien et ses grondements sourds l’en dissuadèrent.
    L’animal fixait un bosquet tout près de l’entrée d’une caverne. Elle vit une branche bouger, mais cela aurait pu tout aussi bien être le vent ou quelque bête sauvage. Elle resta un moment à attendre, en retenant son souffle. Puis, alors qu’elle détournait la tête, une ombre passa qui disparut dans les ténèbres. Elle attendit encore... En vain. Mais n’avait-elle pas rêvé ? À ses pieds, le chien s’était tu. Les eaux vertes venaient mourir avec un doux bruit sur la grève. Le soleil illuminait la baie. Pourtant, elle n’arrivait pas à se débarrasser du sentiment de malaise qui l’oppressait depuis qu’elle avait débarqué sur ce rivage silencieux.
    — C’est bon de faire escale, même si le lieu est étrange, déclara frère Dreu qui s’était approché.
    Un bandage serrait son front qu’une écharde de bois avait balafré pendant la bataille. Le moine avait parlé à voix basse et elle lui répondit de même.
    — Vous ressentez cela aussi, mon frère ? C’est ce que je me disais : j’ai l’impression d’être dans un sanctuaire abandonné des hommes. Un endroit interdit.
    — Vous n’êtes pas tellement loin du compte, répondit le jeune moine. Le pilote de l’esnèque m’a dit que c’était une ancienne nécropole. Un lieu maudit pour les habitants de l’île qui n’osent s’y aventurer.
    — Ce n’est guère rassurant, frissonna Eleonor. Ces grottes seraient des tombes ?
    — Je ne sais trop. L’homme n’est pas causant. Il a juste ajouté que le lieu s’appelle Cales Coves. Peut-être n’en sait-il pas davantage.
    — Cales Coves, murmura la jeune femme en détaillant les cavernes qui les surplombaient, certaines si vastes qu’elles auraient pu abriter tout l’équipage. J’ai la sensation... que des centaines d’yeux nous observent.
    Alors qu’elle prononçait ces mots, une plainte sourde venue de nulle part résonna un instant avant de s’éteindre.
    — Ce doit être le vent qui passe dans ces cavités, fit le moine autant pour la rassurer que pour se réconforter lui-même. Votre chien, non plus, n’a pas l’air d’apprécier.
    Tara avait relevé le museau et le poil de son échine s’était hérissé.
    — C’est vrai. Vous savez, mon frère, je suis presque sûre d’avoir aperçu une ombre se glisser dans cette grotte là-bas.
    — Une ombre ? demanda le moine en observant la caverne. Vous voulez dire celle d’un homme ?
    — Pour être honnête, je ne sais pas. Cela a été si fugitif !
    Frère Dreu haussa les épaules.
    — Nous sommes trop fatigués, vous et moi. Pour se moquer de mes rêveries, mon père disait qu’il est difficile d’attraper un chat noir dans une pièce sombre, surtout quand il n’y est pas !
    La jeune femme sourit :
    — Vous avez raison, mon frère.
    — Moi qui trouvais la vie au monastère trop tranquille, il m’arrive maintenant de rêver de ma cellule et de ma paillasse.
    Le moine regarda vers les navires et reprit :
    — Ils ont fini de transborder les blessés, nous nous reposerons plus tard.
    — À propos de blessure, je ne vous ai même pas demandé comment allait votre tête ?
    — Oh ! Ce n’était rien ! Messire Hugues m’a dit que l’entaille n’était guère profonde... Je crois que Tancrède a besoin de nous.
    Effectivement, le Normand qui se tenait avec Hugues au milieu des civières leur faisait signe de les rejoindre.
    — Nos mains

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