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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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pattes avant sur le torse d’un garçonnet et les dents sur sa gorge.
    — Tara ! Lâche ! Lâche, je te dis ! gronda la jeune femme en le saisissant par l’encolure.
    Le chien obéit à regret. L’enfant, pieds et jambes nus, juste vêtu d’une chainse de toile souillée, roulait des yeux affolés mais ne bronchait pas plus qu’un mort. Eleonor se pencha pour s’assurer qu’il n’était pas blessé et lui tendit la main.
    — Viens, redresse-toi, c’est fini. Le chien ne te fera rien.
    L’enfant ne bougeait toujours pas. Hugues s’était baissé pour ramasser un morceau de bois en forme de fourche et un large lacet de cuir.
    — Ne grondez pas votre chien, il n’a fait que son travail. C’est ce gamin qui nous a tiré dessus.
    — Pourquoi aurait-il fait ça ?
    — Aux Baléares, tout le monde a une fronde ou un arc et sait s’en servir. Quant à savoir pourquoi... Je me demande surtout ce qu’il fait là... et s’il est seul.
    Hugues força le garçon à se remettre sur ses pieds.
    — Comment t’appelles-tu ? demanda-t-il.
    L’enfant se contracta comme si Hugues l’avait frappé. Là-bas le cor avait cessé de sonner.
    — Regagnons le camp ! Et toi, tu viens avec nous, fit l’Oriental en saisissant la main du gamin dans la sienne et en l’entraînant de force.

 
    22
    — Je ne sais pas, répondit Tancrède aux questions de son maître. Apparemment, les guetteurs ont aperçu des formes qui se faufilaient sur le sentier. Les guerriers sont partis aussitôt, sans rien trouver. Par contre, vous, vous avez déniché un petit drôle, on dirait.
    — Il n’est guère bavard mais habile à la fronde. Je lui devrai sans doute un joli bleu.
    — Ce lieu n’est donc pas aussi inhabité que le pilote le prétend. S’il y a un gamin, il y a des parents. Peut-être un village tout près, derrière la crête. Les guerriers ont doublé la garde et ils ont raison.
    Le garçon restait planté au milieu d’eux, muet et la mine effrayée.
    — Qu’allez-vous en faire ? demanda Eleonor. Il a peur, c’est sans doute pour cela qu’il ne veut pas parler. Peut-être pourrais-je essayer ?
    L’enfant, comme s’il avait deviné qu’il était l’enjeu de la conversation, coula un long regard suppliant vers la jeune femme.
    — Pour l’instant, nous avons mieux à faire que de nous occuper de lui. Nous allons l’enfermer à bord du knörr, répondit Hugues en appelant l’un des marins à qui il confia le garçonnet.
    Eleonor hésita à plaider à nouveau sa cause, un coup d’œil au visage fermé d’Hugues lui fit comprendre qu’il ne servirait à rien d’insister.
    — Bon, je vous laisse, finit-elle par dire. Je vais relayer frère Dreu.
    Une fois la jeune femme partie, Tancrède demanda :
    — Avez-vous trouvé les herbes que vous cherchiez ?
    — Pas la moindre.
    Puis, plus bas :
    — Mais j’ai trouvé ce que je ne cherchais pas... Et je vis désormais dans un corps étranger.
    — Qu’avez-vous dit ?
    — Rien, je citais une phrase de Caton. Où en sommes-nous ici ? Et quel est l’état du jars ?
    Tancrède fronça les sourcils. Il sentait que quelque chose n’allait pas chez son maître et tout en même temps que ce n’était pas le moment d’en parler. Il se contenta donc de répondre :
    — J’ai fait ce que vous m’avez dit. Mais avant le jars, il faut que nous voyions ensemble le marin qui a eu la mâchoire fracassée : il souffre le martyre et je crains que l’infection ne l’emporte.
    Un juron échappa à Hugues et Tancrède réalisa soudain combien, malgré son hâle, son maître était épuisé et soucieux.
    — Pardonnez-moi, fit l’Oriental qui déjà s’était repris. Je ne supporte pas l’impuissance qui est la nôtre. Pourquoi n’ai-je pas pris davantage de remèdes avec moi ?
    — Pourquoi vous accuser, mon maître ? Vous ne pouviez prévoir ce qui nous est arrivé et, depuis le début, vous avez déjà tant fait !
    Hugues ne parut pas entendre ces paroles réconfortantes. Il reprit :
    — Quant à ce malheureux, si la gangrène le prend, je ne pourrai rien faire. Allons le voir, je vais lui donner un peu d’opium. Vous ne m’avez pas répondu pour le jars ?
    — J’ai changé ses pansements. Mais malgré nos soins, la fièvre est toujours aussi forte et il délire.
    Tout en parlant, ils s’enfonçaient dans la vaste caverne où ils avaient couché les blessés sur des paillasses de branchages. Un bon feu réchauffait

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